we dont need no stinkin’ shoes

Je vais arrêter ici la rédaction de ce blog.
Je pourrais continuer sur des pages et des pages : la chaise, le matelas, les podologues, la semelle orthopédique, le talon, le soutien plantaire, l’alimentation, la mode, la médecine, la science, la presse, mais j’ai besoin de passer à autre chose.

De la chaussure je retiens ces grandes conclusions :

– elle est mauvaise pour le corps (pied, posture, genoux, hanches, respiration, marche à pied, course à pied, flexibilité)
– elle est mauvaise pour l’esprit (stress, confiance en soi, appréhension du monde réel…)
– elle est mauvaise pour la planète (plastique et textiles synthétiques made in Pakistan)
– elle transforme l’Homme en consommateur, mais également en « gros bourrin » qui n’écoute plus ses sensations mais croit qu’il est capable de tout avec un bon investissement
– son usage ne s’est généralisé que depuis deux ou trois siècles (et encore…), même en Écosse, même en Islande, même en Irlande…
– le groupe, la société, t’obligent à la porter (pieds nus interdits dans certains transports en commun français !)
– il faut plusieurs années pour se défaire de cette mauvaise habitude et retrouver un contact agréable avec la réalité
– les podologues et autres professionnels du pied ne savent rien, n’ont jamais vu un pied normal et sain de toute leur vie (c’est incroyable ça quand même, non ?) et recommandent des semelles orthopédiques à tour de bras pour soigner des problèmes qui n’existeraient pas sans la chaussure. Ces semelles viennent fragiliser encore plus l’organisme
– le business de la santé s’organise autour de ces problèmes créés par la chaussure (stress, mal de dos, …)
– la presse sportive ne parle jamais du pied nu, puisqu’il n’y a rien à vendre
– les « chercheurs » et les soi-disant « études scientifiques » cherchent depuis des années à savoir s’il vaut mieux marcher/courir en chaussure que pieds nus… Comme si on avait besoin d’études pour connaître la réponse. Comme si la question se posait (sérieusement, quoi). Malgré ça, eux n’ont toujours pas trouvé la réponse.

Voilà.

Le constat est assez alarmant, mais il ne s’agit que de la chaussure, donc tout va bien.

Malheureusement non, toutes ces conclusions sont également vraies pour tout le reste : le matelas, la chaise, la table, l’alimentation, la mode, le pétrole, les téléphones intelligents, etc, etc, etc, etc….

Je dors par terre, je mange par terre, je m’assois par terre, je cours à moitié nu. C’est meilleur pour mon corps, pour mon esprit, pour l’environnement, pour le trou de la sécu. En plus de ça, ma vie est bien plus belle qu’avant, je sens le monde, je sens la vie. Mais le groupe ne comprend pas, et continue à me montrer du doigt à chaque sortie.

En un an j’ai construit mes pieds et appris beaucoup de choses sur mon corps, sur la société et sur le groupe. Il me reste maintenant à devenir plus philosophe et accepter ces remarques quasi-quotidiennes avec détachement et amusement, voilà qui ne va pas être facile…

« We dont need no stinkin’ shoes ! »

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Super Size Me

Récemment je suis allé à une soirée costumée, c’était bien on a bien rigolé. Comme j’avais déjà fait Tarzan l’homme de la jungle pour le semi-marathon (ah, vivement le prochain !), cette fois-ci je me suis dit je vais faire le contraire et me déguiser en homme moderne et civilisé (et arrogant ?). L’expérience a été passionnante, un genre de « Super Size Me » à ma façon, qui heureusement n’a duré que quelques heures. Petit décryptage.

Les pieds

Aïe ! Chaussures trop étroites, pieds gonflés, perte de l’équilibre, talon surélevé mauvais pour ma posture, position verticale difficile à tenir, perte de toute sensation agréable avec le sol, soutien inutile de la voûte plantaire, pieds qui puent, et chevilles écorchées (la vérité !). Les fondations de mon corps ont été agressées et étouffées dans le simple but de cacher une partie honteuse de moi-même, en les recouvrant par du qui-brille.

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Et le pire du pire, je suis devenu bruyant à chacun de mes pas. Insupportable, j’étais devenu incapable de me mouvoir silencieusement. Ma cousine avait choisi un déguisement similaire, version femme (donc pire) : 3 semaines après, elle avait encore des douleurs dans les pieds et ne pouvait pas marcher correctement.

Le cou

Pour rassurer le groupe et ne mettre personne mal à l’aise, j’ai moi aussi mis à mon cou une laisse satinée et ainsi exprimé mon asservissement à la société. N’ayez crainte, moi aussi je suis un clébard enchaîné et pris à la gorge par le système. Cerveau mal irrigué, symbolique du suicide par pendaison, que du bon, de quoi participer pleinement à mon épanouissement personnel et mon bien-être.

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Les joues

Quand je cours pieds nus, tout le monde s’inquiète du risque de la coupure (c’est déjà arrivé une fois, en décembre, quand j’étais encore un débutant). Mais les pieds ne sont-ils pas prévus à cet effet ? En revanche, mes joues n’ont jamais été conçues pour être entaillées quotidiennement par des lames acérées. J’ai pourtant fait le choix de me balafrer le visage jusqu’à me faire saigner (je ne suis pas très habile avec les rasoirs). En plus des coupures et des rougeurs, j’ai vu apparaître quelques boutons sur mes joues.

Les hanches

J’ai mis mon petit cul dans un pantalon drôlement serré. Du coup, impossible de m’asseoir en squat sans risquer d’exploser les coutures. Même si j’avais pu, le groupe n’aurait pas compris. Le squat est pourtant la position assise la plus intéressante qui soit, elle débloque et renforce toutes les articulations nécessaires à la marche et la course à pied (cheville, genoux et hanches, et tous les muscles et tendons qui vont avec), elle fait de nous des hommes forts et en bonne santé, facilite les accouchements, permet d’éviter les douleurs dans le dos, cancer du colon, appendicite, constipation, incontinence, hémorroïdes, …

Mes chaussures rendant ma position verticale douloureuse, j’ai vite cherché une solution à mon problème et j’ai été soulagé de découvrir qu’il y avait des chaises dans la salle, objet ô combien intéressant qui mériterait une thèse à lui tout seul, et sur lequel j’ai heureusement appris à m’asseoir dès ma plus tendre enfance.

Ah, et pour aller déféquer, il n’y avait que des trônes, ne permettant pas une évacuation saine des excréments.

Le buste

La même idée que pour les hanches. Avec ma chemise et ma veste de costard, impossible de lever les bras vers le ciel pour étirer ma colonne comme le font les chats et chiens des dizaines de fois par jour. Le buste à l’étroit dans mon costume, mon dos (déjà bien voûté par ma paresse, ma chaise et mes chaussures) n’avait pas la moindre chance de pouvoir s’ouvrir et laisser s’installer une respiration profonde et apaisante. Le stress aurait facilement pu venir s’installer, heureusement c’était la fête.

La transpiration

Je n’ai pas été jusqu’au bout de mon costume et j’ai oublié de bloquer la transpiration de mes aisselles. Je me souviens de ce film de James Bond où le méchant tue une bimbo en la recouvrant de peinture dorée, empêchant toute possibilité de transpiration…

Le nez

J’ai également oublié d’agresser mon odorat. J’aurai pu mettre du parfum toxique et sentir mauvais toute la journée, histoire de me faire bien mal au crâne.

On a bien rigolé, pour de vrai, c’était la fête et ça valait vraiment le coup de se mettre sur son 31, de jouer avec les codes sociaux et de se faire beau comme un camion. Mais pas tous les jours, si ça ne permet pas de s’épanouir correctement.

Le lendemain je suis allé courir, pieds nus, torse nu, seul, loin du groupe, à ma propre vitesse, sur ma propre distance. Les graviers ont détendu mes pieds, m’ont réveillé, ont calmé mon esprit. J’ai eu le droit à quelques remarques, « un indien dans la ville », « jésus reviens », que des choses assez gentilles cette fois-ci. La douche froide m’a invité à démarrer une nouvelle journée. J’ai fait la liste de tous les produits que j’avais utilisé : rasoir, mousse, après-rasage, chaussures, déodorant pour chaussure, costard, cravate, chaise, table, alcool, sucre. Lesquels de ces produits de consommation sont vraiment bons pour moi ? (et, question subsidiaire, lesquels sont bons pour l’environnement, haha). Je me suis alors souvenu que la France tourne au prozac depuis des années, tu m’étonnes.

A Lisbonne j’ai couru ce semi-marathon presque nu, sans aucun investissement, sans aucune douleur, sans aucun stress. Cherchez l’erreur. On se fait du mal avec ces codes sociaux sans intérêts, j’en suis persuadé, plus que jamais.

Le marié était venu en short, et ça c’était vraiment trop la classe.

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Chaussure à mon pied

Mes pieds ne sont pas encore capables de courir toutes les distances ni toutes les surfaces. Ça me frustre beaucoup, je veux courir plus. Du coup je triche (je ne devrais pas, tricher n’a jamais rendu service à personne) et je construis mes propres chaussures. 100% certifié vache locale. Avertissement, courir avec des chaussures est dangereux et réservé aux professionnels, n’essayez surtout pas de faire ça chez vous.

Investissement total : 6€. Combien de kilomètres vont-elles tenir ?

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La plage, le café, le soleil et le soutif

Tout un programme.

La plage

Sur le Semi-Marathon des Sables nous étions au moins 5 sans chaussure. Le sable demande moins de technique que le bitume, il est plus permissif, et le blocage psychologique est moins fort. Sur 350 concurrents, nous étions les seuls à apprécier l’humidité du sable et la froidure de l’eau. Pourquoi Diable les autres sont-ils venus ? De ces va-nu-pieds, je garde le souvenir d’au moins deux belles rencontres : Analice, la Brésilienne de 71 ans, qui au mois de mai courait pour la énième fois les 101 km de Ronda. Mais également João, qui il y a de ça dix ans pesait 105 kg et qui pour la première fois cette année a parcouru une épreuve de 100 bornes. Il s’est classé 13ème sur le semi-marathon. Je suis vraiment sensible à de tels parcours, ça me touche profondément. C’est peut-être pour ça qu’il faut continuer à faire des courses.

(210)Sur cette photo, je suis content de voir que ma technique s’affine. Le professeur m’inviterait certainement à plier les genoux encore plus, et à être encore plus vertical au niveau de l’axe tête / épaules / hanches. Mais je progresse et c’est surtout ça qui compte, Rome ne s’est pas faite en un jour. Et puis le sable n’oblige à aucune exigence, on oublie facilement d’être précis. Classement : 28ème/315 (j’étais 80ème à mi-parcours, pour pas rester en plein cagnard trop longtemps, j’ai mis le turbo sur la deuxième moitié)

Bref, une course déchaussée (c-à-d sans montre, sans boisson énergétique, etc, etc, etc…), c’est à chaque fois l’occasion de pousser ma réflexion un peu plus loin. Les deux thèmes choisis cette fois-ci seront : le café et le soleil.

Le café

Pour la première fois depuis que je participe à des compètes (donc depuis 2010), je n’ai pas pris de café avant la course. Ça a l’air con dit comme ça mais c’est un grand pas de fait. Le café est pour moi une vraie addiction (parmi tant d’autres : internet, salaire, …), la première chose à laquelle je pense dès que je me lève. Je n’en bois plus que 2 par jour parce que je me contrôle, mais si je m’écoutais je pourrais tourner à 6 ou 7. Je n’en ai pas besoin pour courir, c’est évident. Mais avant la course il y a toujours ce moment où tu attends le départ et il n’y a rien d’autre à faire qu’attendre, commencer à douter de soi ou alors essayer de penser à autre chose, comme au café par exemple. C’est la définition même d’une addiction. Cette fois-ci, la tête dans le coaltar, sans ambition chronométrique, sur une distance que je connais par cœur, je n’y ai même pas pensé. C’est une bonne chose, il n’y aura plus de café au départ de mes prochaines courses. Sans l’effet psychotrope du jus, je vis ma course pleinement, pour de vrai, sans artifice. L’altération des sens que je recherche tant ne vient plus que de moi même et de rien d’autre.

Le soleil

Ce blog vient souvent questionner notre rapport au sol, à la terre. « Flippez votre race, le sol est dangereux » nous dit-on trop souvent. Profitons de ce marathon sur la plage pour questionner cette fois-ci notre rapport à l’astre solaire. Cancer de la peau, cataracte et yeux brûlés, le discours ambiant nous met grave la pression et nous apprend à flipper du soleil. Mettez de la crème ! Mettez des lunettes ! Achetez ! Consommez ! Flippez ! Craignez cette étoile que je ne saurais voir, cette divinité païenne qui n’a rien de bon à nous offrir, qui ne peut être que mauvaise pour nos chères têtes blondes. C’est exactement la même histoire que la chaussure : on est rentré dans un système pernicieux qui voit dans la nature une menace, qui refuse de comprendre le corps humain mais qui veut trouver toutes les solutions à ses problèmes dans le produit, encore le produit, toujours le produit.

Pour obéir à des codes sociaux à la con, on passe l’année entière dans des fringues qui protègent le corps de la moindre exposition solaire. Se balader torse-nu dans les rues de Paris ou à la fenêtre du bureau doit faire à peu près le même effet que de rentrer sans chaussure chez le banquier. Malheureusement, la protection, comme on commence à le comprendre sur ce blog, affaiblit l’organisme, c’est la règle de base. Sans exposition solaire, pas de production de vitamine D, nécessaire à plein de bonnes choses, DONT, incroyable, la prévention du cancer de la peau !

Mais arrivent les grandes vacances, de nouveaux codes sociaux à la con viennent te mettre la pression, il faut obligatoirement passer sa journée sur la plage à rien foutre, pour être bronzé comme un œuf à la rentrée. Et là, c’est le drame : la peau blanche d’un zombie exposée aux rayons du soleil estival accentué par le reflet de l’océan, la cata complète. Heureusement, on vit une époque formidable, et on peut acheter les crèmes solaires. Certes, mais 90% de ces protecteurs contiennent de l’ « octyl methoxycinnamate » ou du « titanium doxide », tous deux considérés comme nocifs pour l’organisme. En plus de ça, 4 produits sur 5 offrent une mauvaise protection aux UV. On tient le bon bout.

Restent les lunettes de soleil. Certaines recherches suggèrent que porter des lunettes FAVORISE le développement du cancer de la peau. En effet, l’œil serait apte à la lire l’intensité du soleil, et envoyer des signaux à l’organisme afin qu’il adapte sa réaction face à un tel facteur externe, donc en accélérant le processus de bronzage. En le protégeant, on fait croire à l’organisme qu’il évolue dans l’obscurité. Le corps ne développe alors pas la réponse adaptée à l’environnement dans lequel il évolue.

Comme pour la chaussure, crème solaire et lunettes font croire au consommateur qu’il peut se permettre tout et n’importe quoi (courir un marathon ou passer la journée sur la plage revient à peu près au même) du moment qu’il investit dans le produit. D’où des comportements idiots, qui au final font le bonheur des marchands du système de santé. La même histoire que la chaussure. Tout pareil.

Le soutif

Rien à voir avec mon semi-marathon, mais Ito vient de publier un passionnant article sur la question sur son blog à elle. Voilà longtemps déjà que je voulais réfléchir à la question, mais un tel sujet ne m’appartient pas. Contrairement à la chaussure ou la crème solaire, je ne suis pas en mesure de mettre en pratique le fruit de mes réflexions sur la question. Ito a fait un travail fantastique, ça vaut vraiment le coup de prendre le temps de le lire, tout comme le reste de son blog, vraiment.

« Ôtez aux gens leur autonomie et vous obtenez des consommateurs »

Ce qu’il y a de fascinant dans son article, c’est qu’à partir d’un tout autre accessoire de notre merveilleuse société, elle arrive exactement aux mêmes conclusions que les miennes quant à la chaussure : soutien inutile d’un organe parfait, pression sociale, méfaits à long terme, système de santé qui s’organise autours de ces méfaits, etc, etc, etc.

On vit comme des ânes, moi le premier, mais tout va pour le mieux, nous sommes l’occident riche moderne et civilisé, ne changeons rien. On ne voudrait surtout pas redevenir des sauvages.

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Comment les chaussures ont rendu l’homme inactif

c’est le titre d’un excellent papier pondu par Steven E Robbins sur son site. Selon l’auteur, l’humanité serait devenue fainéante et inactive le jour où elle aurait adopté l’usage généralisé des chaussures.

J’essaye de résumer ici le déroulement de sa pensée :
(et en résumant je simplifie, forcément. Ses allégations sont sourcées et ces sources sont passionnantes.)

– Actuellement, notre société occidentale moderne souffre d’une myriade de troubles de la santé directement dus à un manque d’activité physique. Ces troubles de la santé peuvent affecter gravement notre qualité de vie, voire raccourcir notre espérance de vie.

– Cette paresse, ce manque d’activité physique, dateraient seulement de la Renaissance (entre le XIV et le XVIème siècle selon les pays). Jusqu’alors, l’Homme aurait eu une vie « active », peu souvent assis, mais la plupart du temps debout, et souvent en mouvement. Le mot « sédentaire » est un néologisme qui apparait en Angleterre en 1603 pour désigner « des habitudes qui nécessitent le maintien prolongé de la position assise ». En 1662, le terme a déjà acquis une connotation négative : « personne dépendante de la position assise, qui n’est pas habitué à l’exercice physique ». Ce « sédentarisme » serait donc une habitude nouvelle en Angleterre, puisque un mot est né pour décrire ce comportement.

– La chaise, si elle existe depuis plus 5.000 ans, est plus une marque sociale symbolique choisie par les classes les plus élevées, mais très peu usitée. C’est durant cette Renaissance que la chaise devient omniprésente, au foyer ou sur le lieu de travail, pour toutes les classes sociales. Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, la position assise serait devenue la norme.

Pourquoi un tel changement ? L’auteur propose la chaussure comme réponse à cette question. Lire la suite

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Jamel Balhi – Barefoot Rae

« Trois cent soixante-cinq jours se sont écoulés depuis mon départ de Notre-Dame. J’ai fait le tour des saisons mais pas tout à fait de moi-même. Mon territoire est encore parsemé de zones inexplorées. Une année à avaler des kilomètres sur une route chaotique qui mêle splendeur et ferveur. Une année de rencontres passionnantes.

La terre est ronde mais ne tourne pas rond, comme en témoignent mes détours. Comme le disait Andrew rencontré au Caire, « nous sommes nés libres mais enchaînés de toutes parts ».

Si je devais recommencer, je commettrais plus d’erreurs pour apprendre d’avantage. Je me détendrais davantage et me laisserais porter par la houle de l’aventure. Je serais encore plus naïf que je ne l’ai été au cours de ce périple-là. Je ne prendrais rien au sérieux. Je tenterais plus ma chance encore. Je déciderais d’aller plus loin. Je traverserais plus de chaînes de montagnes et plus de déserts. J’admirerais plus de couchers de soleils et je boirais davantage de cafés et de bières. J’aborderais les filles inabordables et leur raconterais des histoires incroyables. Mon imaginaire n’inventerait plus les craintes et les peurs. Je serais de ceux qui vivent en prophète, heure après heure, jour après jour. J’ai connu de sales moments, mais si c’était à refaire j’en traverserais plus encore. En fait, je ne tâcherais de ne vivre rien d’autre que des moments, une suite de moments.

Et si je devais revivre ma vie, je commencerais pieds nus, au printemps et le resterais jusqu’à la fin de l’automne. Je serais heureux. »

Jamel Balhi, dans son livre Les Routes de la Foi, contant l’un de ses nombreux voyages en course à pied, sans sponsor, sans argent, celui-ci allant de Paris à Lhassa. Wahou, j’en reste coi.

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Dans une interview : J’ai commencé à courir pour fuir. Courir pour partir. Fuir la société, fuir les choses qui ne me plaisaient pas, par refus d’une forme de société qui poussait à consommer, à vivre comme des cons, suivre des modes à la con.

Il en est une qui a vraiment fait le choix d’y aller pieds nus, c’est la magnifique Rae. En 2012, à l’âge de 18 ans, la demoiselle a couru les States, sans chaussure, d’une côte à l’autre. Avec la grâce d’une gazelle et la puissance d’un bulldozer, elle vient exploser les clichés à la dynamite. Blanche, Américaine, riche et souriante, elle nous montre combien la course pieds nus est une aventure de plaisirs et de sensations, et non pas une forme de masochisme réservée aux pauvres et aux pénitents.

rae

Quant à moi, je ronge mon frein et constate sans rien pouvoir y faire la si lente progression de mes petits petons, encore incapables d’aligner plus de 60 bornes par semaine sans commencer à frôler la zone orange…

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tristes tropiques ?

ah les DOM-TOM ! Terres à l’héritage complexe et difficile, terres de métissage, carrefours de nombreuses cultures…

 » Sous les tropiques non plus c’est pas évident de se balader pieds nus.

Sans aucune volonté de révolution, de rébellion, ni d’introspection, j’aime bien marcher pieds nus. Juste comme ça. Pour avoir le plaisir de sentir le sol, ses aspérités et aussi et surtout par flemme de chausser et déchausser mes sandales/tongs toute la journée. On les enlève pour conduire, on les remets à la station, on les renlève pour conduire, on les remet pour aller chez un pote, on les enlève pour pas salir le logement, on les oublie, on n’a plus de tongs, tant pis, tant mieux… C’est bien plus simple et agréable d’être pieds nu , surtout sous les tropiques pour les frileuses.

Et bien, je fais bien rire le chaland qui ne comprend généralement absolument pas pourquoi une nana peut se balader sans honte pieds nus, signe d’un temps révolu où les gens étaient trop pauvres pour se chausser. Chacun y va de son petit commentaire, généralement positif et moqueur, voir hilare.
Une fois, j’ai oublié mes tongs pour aller chez le kiné. Oh drame! J’ai bien cru que j’allais devoir faire l’aller retour chez moi, pour pouvoir mieux les déposer à coté du petit tapis où il me fait faire des exercices pieds nus. J’ai même eut le droit à une semi morale selon laquelle mes pieds avaient besoin de semelles relativement épaisses et que les pieds étaient mieux dans des chaussures fermées et rigides. C’est son job, je devrais l’écouter mais à 28°C…
Une fois, j’ai oublié mes chaussures (encore) en allant au centre commercial (ok, je suis étourdie). J’ai même pas eu le temps d’aller au rayon des tongs que le vigile est arrivé en COURANT pour me dire que par « raison de sécurité » (!) je devais sortir immédiatement du magasin (dont le sol était carrelé)…
Et, je ne vous parle même pas des gens bien intentionnés qu’on rencontre en randonnée…

Oh, Sylvain, comme je te comprends…
C’est souvent compliqué de simplement se balader pieds nus sans autre ambition que de passer un bon moment, sans idées d’anti-ceci ou d’anti-cela, sans avoir envie de se justifier ou supporter les commentaires et moqueries des uns ou des autres…

J’ai quelques petites questions quand même :
– Marcher pieds nus c’est bien sympa sous les tropiques, mais qd ils fait froid? Je rejoins le questionnement des autres sur ce point.
– Et en ville? J’ai presque abandonné, pas à causes des flics (qui s’en fichent royalement) mais des mini bouts de verre que je ne vois qu’une fois bien calé dans la plante de pied… Aurais tu 5 cm de corne?
– Plus jeune j’ai été voir des kinés et podologues, ils ont vraiment insisté sur l’intérêt d’avoir des chaussures avec une petite bosse au niveau de la voûte plantaire qui seraient très importante pour une histoire qu’équilibre au niveau des genoux… (pieds plats = bobo?)

Bon, j’ai un peu perdu le fil et suis partie un peu dans tous les sens avec ce commentaire de témoignages et de questions. A croire que je suis bavarde… 😉 « 

Merci Alex pour ta participation ! Tes kinés et podologues sont l’exemple fort d’une société qui est vraiment partie loin dans son délire de confort, d’assistanat et de protection, je développerai plus par la suite.

Autres tropiques, même problème. A Mana en Guyane, petit exemple amusant d’un maire dérangé par ces pieds libres venant troubler l’ordre public :

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Besopié

24 heures à Séville dans une ville en effervescence, la veille d’une semaine d’interminables processions célébrant la passion du christ dans un délire ostentatoire et festif rivalisant avec les plus grands carnavals brésiliens.

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A Séville j’ai marché les pieds nus, j’ai épousé les pavés et les galets des rues de l’ancienne médina. En moins de deux heures de temps j’ai eu le droit à deux contrôles d’identité, les agents m’expliquant que mes pieds sales étaient susceptibles d’offusquer les nombreux spectateurs venus de toute l’Espagne en costard/cravate et robe de gala, dans l’objectif de tomber des litres de bière en regardant passer les processions.

A Séville j’ai remis mes sandales puis j’ai fait 15 minutes de queue pour entrer dans une petite chapelle et déposer un pieu baiser sur les pieds nus d’un Jésus le visage ensanglanté par sa couronne d’épines.

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A Séville les « Nazarenos » à la cagoule effrayante ont déambulé sans chaussure durant une journée complète à travers la ville, en symbole de souffrance et de pénitence (ah ! si seulement ils savaient comme ça peut être bon, pour peu que le pied soit préparé à ça !).

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C’est l’hypocrisie d’une société dans toute son évidence. Mais c’est également l’occasion rêvée de questionner la bible et l’Église catholique sur le pied nu.

Dans la bible

On trouve une référence évidente au pied nu dans l’Exode, ce texte de l’ancien testament qui relate les aventures de Moïse guidant son peuple vers la liberté.  Dans l’épisode du buisson ardent, Dieu dit clairement à Moïse : « ôte tes souliers de tes pieds, car le lieu sur lequel tu te tiens est une terre sainte« . On retrouve cette même idée chez les Indiens d’Amérique, mais contrairement à eux, Dieu considère que le sol n’est sacré qu’en certains endroits bien définis.

Dans le nouveau testament, le fils de Dieu semble déjà moins regardant sur la question. Plusieurs passages nous font comprendre qu’il fait sa vie principalement en sandales. Lorsqu’il ordonne à ses 12 apôtres de partir annoncer la parole de Dieu, il les invite à faire preuve de la plus grande simplicité : un seul vêtement, pas de bâton, pas d’argent, pas de pain, pas de sac, pas de soulier, mais, des sandales ! (Marc 6.9 ). L’idée du pied nu en l’an 0 est donc déjà morte et enterrée, puisque même le fils de Dieu a besoin de protéger la plante de ses saints petons.

 …

Saint François

Les choses auraient pu en rester là, mais certaines figures du catholicisme réfléchissent à la question.  Au XI et XIIème siècle, on voit apparaitre en France et en Italie une profonde critique de la hiérarchie catholique, dont le train de vie et la philosophie s’éloignent de plus en plus des enseignements du christ. Les Cathares (qui, par ailleurs, étaient végétariens) sont l’un des exemples les plus représentatifs de cette critique grandissante. Trop dérangeants, ils seront massacrés par les pouvoirs religieux et politiques en place.

De plus en plus de prêcheurs charismatiques aux pieds nus invitent à reprendre le chemin d’un christianisme plus authentique. C’est dans ce contexte qu’apparaît Saint François, proposant une vie d’ascèse, d’humilité, de simplicité, tournée vers les pauvres et les nécessiteux. Ses disciples, les Franciscains, sont invités à vivre pieds nus même en hiver, « en signe de pauvreté et de mortification de la sensualité« .  La symbolique du pied nu est ici aux antipodes de celles chantées par la poésie américaine ou africaine. Toutefois, « que ceux qui sont contraints par la nécessité, puissent porter des chaussures« . Un rapide coup d’œil sur google image et on comprend que les Franciscains modernes ont tous choisi la seconde option, héhé.

 …

Les Papes

POPE'S RED SHOES SEEN AS HE ARRIVES IN SCOTLAND

Étrangement, les Papes se sentent peu concernés par les commandements de Jésus et préfèrent les beaux souliers civilisés à l’humble sandale souhaitée par le christ. Benoit XVI est le plus coquet d’entre tous avec ses mules papales en cuir d’un rouge étincelant. Dans un sincère souci d’humilité, François revient à de simples chaussures noires. Encore un petit effort Pope Francis, tu y es presque !

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dans la poésie francophone

Donc, la littérature classique française n’a pas grand chose à dire sur le pied nu et quand elle le prend à parti c’est pour évoquer la misère des pauvres gens du peuple. La très talentueuse chanteuse Zazie a bien appris sa leçon et quand elle entonne son émouvante chanson « les pieds nus je danse » c’est encore pour mettre en scène une sans-logis.

Par chance, la langue française ne s’arrête pas aux frontières de la métropole et il existe outre mer des poètes proposant une vision plus inspirée de la chose. 2 auteurs, l’un de Guadeloupe, et l’autre Camerounais portent un regard critique sur la chaussure civilisée et chantent les louanges d’un pied libre et nu.

Qui es tu ? – édité en 1982 – Francis Bebey – Cameroun

Je suis enfant de Guinée,
Je suis fils du Mali,
Je sors du Tchad ou du fond du Bénin,
Je suis enfant d’Afrique…
Je mets un grand boubou blanc,
Et les blancs rient de me voir
Trotter les pieds nus
Dans la poussière du chemin…
Ils rient ?
Qu’ils rient bien
Quant à moi, je bats des mains
Et le grand soleil d’Afrique
S’arrête au zénith pour m’écouter
Et me regarder,
Et je chante, et je danse,
Et je chante, et je danse.
(du même artiste, il faut écouter les perles « les gaulois » et « agatha« )

 
Prière d’un petit enfant nègre – Guy Tirolien – 1943 – Guadeloupe

Seigneur, je suis très fatigué.
Je suis né fatigué.
Et j’ai beaucoup marché depuis le chant du coq
Et le morne est bien haut qui mène à leur école.

Seigneur, je ne veux plus aller à leur école,
Faites, je vous en prie, que je n’y aille plus.

Je veux suivre mon père dans les ravines fraîches
Quand la nuit flotte encore dans le mystère des bois
Où glissent les esprits que l’aube vient chasser.
Je veux aller pieds nus par les rouges sentiers
Que cuisent les flammes de midi,
Je veux dormir ma sieste au pied des lourds manguiers,
Je veux me réveiller
Lorsque là-bas mugit la sirène des blancs
Et que l’Usine
Sur l’océan des cannes
Comme un bateau ancré
Vomit dans la campagne son équipage nègre…

Seigneur, je ne veux plus aller à leur école,
Faites, je vous en prie, que je n’y aille plus.

Ils racontent qu’il faut qu’un petit nègre y aille
Pour qu’il devienne pareil
Aux messieurs de la ville
Aux messieurs comme il faut.
Mais moi, je ne veux pas
Devenir, comme ils disent,
Un monsieur de la ville,
Un monsieur comme il faut.

Je préfère flâner le long des sucreries
Où sont les sacs repus
Que gonfle un sucre brun autant que ma peau brune.
Je préfère, vers l’heure où la lune amoureuse
Parle bas à l’oreille des cocotiers penchés,
Écouter ce que dit dans la nuit
La voix cassée d’un vieux qui raconte en fumant
Les histoires de Zamba et de compère Lapin,
Et bien d’autres choses encore
Qui ne sont pas dans les livres.

Les nègres, vous le savez, n’ont que trop travaillé.
Pourquoi faut-il de plus apprendre dans des livres
Qui nous parlent de choses qui ne sont point d’ici ?

Et puis elle est vraiment trop triste leur école,
Triste comme  ces messieurs de la ville,
Ces messieurs comme il faut
Qui ne savent plus danser le soir au clair de lune
Qui ne savent plus marcher sur la chair de leurs pieds
Qui ne savent plus conter les contes aux veillées.

Seigneur, je ne veux plus aller à leur école !

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de l’enfance

Toutes les informations et les documents utilisés pour cet article sont issus du blog Ahcuah, ressource très complète sur la question du pied nu à travers les âges et les civilisations. Un grand merci à son auteur Bob Neinast.

Aujourd’hui en Europe autant qu’aux États-Unis, la réaction face au pied libre, c’est à peu près ça :

Le pied libre évoque également la pauvreté, la saleté, le masochisme, le manque d’éducation, voire l’incivilité, j’ai pu en faire l’expérience au cours de ma toute récente vie de va-nu-pied. Aux States pourtant, il n’en a pas toujours été de la sorte.

Au XIX et début du XXème siècle, la littérature et la poésie américaine font encore l’éloge d’une jeunesse sans chaussure, une jeunesse vivant une vie d’insouciance, de liberté, riche d’aventures, de plaisirs et de sensations. Tom Sawyer (1876) de Mark Twain est bien évidemment l’archétype le plus connu du jeune héros libre et déchaussé. Le film de la Walt Disney Company en 1995 s’assurera de rétablir la bonne morale et remettra des chaussures au jeune Tom et à tous ses camarades. Le dessin animé japonais en 1980 respectait quant à lui le pied nu, sa symbolique n’étant pas la même au pays du Soleil Levant.

A la même époque que Tom Sawyer, de nombreux poèmes célèbrent les joies d’une enfance déchaussée : Barefoot (1893), When I was a barefoot rover (1897), Goin’ Barefoot (1905), Barefoot Days (1907), Barefoot Days (1926). Le plus connu de tous est peut-être The Barefoot Boy (1855) par John Greenleaf Whittier. Le texte est un peu long, c’est du vieil anglais, mais j’essaye ici de traduire les passages qui pour moi sont les plus parlants :

Béni sois-tu petit homme,
Garçon aux pieds nus, aux joues bronzées !
Avec ton pantalon retroussé,
Et sifflotant gaiement
(…)
Tu débordes de grâce
De tout mon cœur je t’offre ma joie,
Car je fus moi aussi le garçon aux pieds nus !
Tu es un Prince, l’adulte n’est qu’un républicain
Ne choisis pas la course aux millions de dollars !
Nus pieds, cheminant à côté,
Tu as plus qu’il ne peut acheter
Les yeux et les oreilles grands ouverts
Le soleil brille dehors, la joie à l’intérieur,
Béni sois-tu, garçon aux pieds nus !

Oh l’enfance est un jeu sans souffrance
Dormir et se réveiller pour des journées pleines de rire
Une santé qui se moque des recommandations des docteurs
Un savoir que l’on n’apprend pas à l’école
(…)
Gaiement, mon petit homme,
Vis, et ris, comme seuls savent le faire les enfants,
Même si les pentes pierreuses peuvent être dures,
Ou le champ de céréales fraichement moissonné
Chaque rosée du matin sera pour toi
Comme un frais baptême
Chaque soir tes pieds chauds
Le vent frais viendra embrasser

Bien trop tôt ces pieds devront se cacher
Dans la prison de la fierté
Perdre la liberté de l’herbe,
Comme un âne pour le travail est ferré

 En 1915, le poème est cité par un juge de Los Angeles qui prend la défense d’une mère divorcée, attaquée par le père des enfants parce qu’elle autorisait ses enfants à vivre pieds-nus. Il expliquera « j’ai connu les plus beaux jours de ma vie lorsque j’étais un enfant déchaussé ».

New York – 1900

Dans les années 30, les choses évoluent et les enfants aux pieds nus commencent à disparaitre, surtout dans les villes. En 1932, Angelo Patri, alors directeur d’une école publique dans le Bronx rédige un texte particulièrement beau et qui montre une fine réflexion sur la question :

Laissez ceux qui le peuvent aller pied nu, mais soyez particulièrement tolérants avec les enfants. Ils ont besoin de sentir le sol sous leurs pieds. Ca les détend, ça repose leur pieds et apaise leurs esprits. (…)

Beaucoup ont peur de laisser leurs enfants pieds nus, ils ont peur des commérages des voisins. Ils n’aiment pas voir la saleté sur les pieds de leurs enfants. Ils ont peur des blessures et des rhumes. Presque toutes ces craintes ne sont pas fondées. Le seul danger est le bout de verre, mais on peut certainement trouver des lieux exempts de tels détritus.

La principale raison pour aller pieds nus est la sensation. « It feels good ». On ne donne pas assez d’importance aux bonnes sensations. On se moque des enfants quand ils disent « parce que c’est bon ». Les sensations ne sont pas valorisées, surtout quand les enfants veulent les apprécier. Je pense que ce sont les restes d’une vieille culture qui renie les sensations. Elles seraient de dangereux pièges pour l’âme et l’humanité. Je ne crois pas un mot de tout ça, je pense que les sens sont là pour nous donner de la joie et nous rendre plus fort à vivre nos vies.

Quand tu sens l’herbe fraiche sous ton pied libre, quelque chose en toi chante et la charge devient moins lourde. Lorsque la brise marine ou le vent des montagnes vient caresser ton visage, tu te sens apaisé, réconforté, inspiré, tu sens que le souffle de la vie entre en toi. Quand le parfum des fleurs, les couleurs du monde viennent à toi, un fort sentiment monte en toi. Ces sensations ne doivent pas être méprisées. Au contraire, elles doivent être cultivées. Elles nourrissent l’imagination, la créativité, qui sont la force qui rendent la vie belle pour les humains de ce monde. Avant de créer, tu as besoin de sentir. Lorsqu’on refuse aux enfants des sensations plaisantes, on retarde leur développement spirituel. Les priver de ce développement émotionnel, c’est les laisser à la merci de leur sens les plus crus, leurs appétits les plus dévorants.

C’est un grand mystère, notre comportement avec les enfants. Ils viennent au monde équipés de tout ce dont ils ont besoin pour construire une vie heureuse et complète, et nous ignorons cet équipement et essayons de le substituer par un autre, de notre propre fabrication. Nous avons construit de faux standards et le résultat se moque de nous. Soyons donc en contact avec le sol nu, avec nos pieds nus et sentons la vie depuis la base.

Voilà 6 mois que je fais des recherches sur les littératures américaine et  française. Si le pied-nu a connu son heure de gloire aux Etats-Unis jusqu’au début du XXème siècle, il semble qu’il n’ait jamais été célébré par les poètes et romanciers français. Pour Victor Hugo (« ah pauvre enfant pieds nus sur les rocs anguleux ») ou Émile Zola (« une fille en haillons qui vendait, pieds nus, des boîtes d’allumettes ») le va-nu-pied reste un pauvre n’ayant pas accès au bonheur et rêvant d’élévation sociale. Pourquoi une telle différence de regard sur les pieds de Tom Sawyer et ceux de la vendeuse d’allumettes ?

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un an

Cela fait maintenant un an que je m’essaye à la vie sans chaussure. Au mois d’avril 2013, juste avant de retirer mes grolles, je rédigeais le texte qui suit. L’eau a pas mal coulé sous les ponts depuis, il y aurait beaucoup de choses à rajouter.

 

C’est la première fois je crois qu’un bouquin m’invite à autant de remise en question. Au premier abord pourtant il ne s’agit que de course à pied et le profane se dira que le débat ne risque pas de s’élever trop haut.

Mais après avoir terminé la lecture de Born to Run il y a de ça quelques semaines, trop d’idées continuent à se bousculer. Je crois qu’il s’agit d’autre chose que de courir en fait, il s’agit aussi et surtout de tout remettre en question, d’exploser ses  idées reçues, douter de ses convictions, aller chercher d’autres points de vue, réfléchir par soi-même, laisser de côté ceux qui parlent sans savoir, et d’oublier tout ce qu’on a pu vouloir nous enseigner jusqu’ici.

Christopher McDougall après s’être abîmé les jambes trop souvent en faisant son jogging, exactement comme moi avant la Californie, est allé rencontrer les meilleurs ultra-marathoniens de la planète, des anthropologues ou des spécialistes en biomécanique, pour nous livrer sa propre conclusion : Nike a créé un marché inutile, voire pire, nous vend du poison.  Pour courir loin et longtemps, retire tes chaussures. L’homme possède déjà tous les meilleurs outils pour ça. Mes baskets archi-compensées m’empêchent de comprendre ma propre foulée, tandis que les plus grands ultra-coureurs de la planète parcourent les montagnes avec des bouts de pneu et des ficelles, véridique.

Imagine, tous ces rayons de chaussures à Décathlon, avec des pompes qui montent à 200€ la paire. Du vent. Une imposture mondiale. Pour rien. Tous ces diagnostics à la con pour savoir si tu es plutôt pronation ou supination. Du zef, walou. Des apothicaires qui brassent de l’air.

Mais là n’est que le début. L’air de rien, l’auteur te présente ensuite quelques grandes figures de la course longue distance, comme Zátopek ou Jurek. Un mec comme Scott Jurek est capable de courir plus de 6 marathons (265 km) en une seule journée. Je suis sur qu’aucun animal ne peut faire ça. Et devine quoi, ce gars ne mange pas de viande, pas de poisson, pas de fromage, pas de lait, pas d’œuf, et encore moins toutes ces barres énergétiques au rayon drogues de Décathlon.  Encore un bout du magasin qui s’effondre.

Des plantes, des fruits, des légumes, des graines, tout ça. Son bouquin « Eat and Run », au lieu de te parler de chaussures et de matos, te parle de philosophie japonaise, de respiration, de yoga, de diététique, et te donne plein de chouettes recettes. 100% certifié Vegan. Mais le truc, c’est qu’il n’est pas le seul, une bonne partie de ces sportifs font pareil. Zátopek l’homme de tous les records était végétarien lui aussi.

Si ces gars-là sont capables de tels exploits sans tout ça, mais alors pourquoi depuis la maternelle on me bourre le mou en m’expliquant qu’il faut que je mange à chaque repas du lait du fromage de la viande et du poisson ? Pourquoi ? Parce que c’est bien ça qui s’est passé, on m’a vraiment formaté à ça et je suis pas le seul. Pourquoi j’ai souri à chaque fois que j’ai accueilli un végétarien à la maison ? Pourquoi les gens ont rigolé quand ils m’ont vu gravir les collines avec mes sandales ?

Et alors quand tu commences à réfléchir à tout ce qu’on t’as mis dans le crane depuis que tu es né, c’est là que ça fait mal à la tête. Si tu continues comme ça, la remise en question peut être globale, tant de modèles à exploser : voiture, job, santé, pharmacie, médecine, famille, politique, éducation, sexe, démocratie, etc, etc… tout ce que la société attend de toi tout simplement parce que c’est comme ça.

MAJ : la suite chez Karuiashi-San : http://karuiashi.tuxfamily.org/unanetdemipage1.html

« La course pieds nus c’est enlever toutes les couches physiques et mentales dont la société, la religion, l’éducation et les marchands nous ont recouvert jusqu’à faire disparaître notre nature véritable. Au point qu’une fois le conditionnement terminé il ne reste que cet automate sans conscience, le consommateur. »

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Primal (2/2)

Le dimanche à Lisbonne c’est le jour de semi-marathon. J’ai couru sans chaussure, ni montre, ni cardio, ni gps, ni boisson énergétique, ni viande, ni sucre. J’ai couru sans blessure aux jambes (enfin !) ni crampe ni ampoule ni coupure ni douleur. J’ai couru en toute simplicité, après avoir appris cette dernière année plein de choses de KB Saxton, S. Jurek, M. Cucuzzella, F. Rohé, M. Sisson, J. Douillard, D. Dubois, et du yoga.

En m’inscrivant à l’événement, je me suis dit que quitte à courir paléo et manger paléo, je pouvais aussi m’habiller paléo. Ça n’est pas passé inaperçu, et du coup j’ai gagné un petit article sur le site Correr Na Cidade. Suite à quoi, le facebook portugais s’est un peu enflammé et j’ai donc été invité à répondre à une interview dont je vous propose ici la traduction :

Les athlètes et les spectateurs du Semi-Marathon de Lisbonne ne sont pas restés indifférents au passage d’un coureur déguisé en Tarzan et sans chaussure. Pourquoi s’être habillé comme ça pour la course ?

C’est la 5ème fois que je participe à cette épreuve, je l’adore. L’esprit est convivial et le parcours si joli. Néanmoins, je vois tellement de gens avec tellement d’équipement et des fois je pense que les athlètes modernes ont perdu confiance dans leur propre corps, et en accordent trop aux produits industriels. Ils veulent acheter la victoire au lieu d’apprendre à courir.

J’ai voulu montrer que la course est une fête, tout simple. J’aime croire que nous courons pour célébrer la vie, le corps et l’esprit. Nous sommes la masse, on ne gagnera jamais la compétition, a-t-on vraiment besoin de tout cet équipement pour faire la fête ?

J’ai couru sans montre ni boisson énergisante. J’ai couru sans investissement, avec un déguisement débile. J’ai couru naturellement, avec détente (presque) jusqu’au bout.

tarzan

Comment s’est passée la course ? Le résultat est-il à la hauteur de vos objectifs ?

Ça s’est bien passé, je n’avais pas d’objectif. J’ai fait 1h26 (281 sur 9400 finishers, dans les 3 premiers %) pour la première fois ! L’année dernière avec des VFF je faisais 1h42, je n’aime plus les VFF, c’est une chaussure comme une autre.

Nombreux sont ceux qui ont été surpris de voir que vous ne portiez pas de chaussures. Pourquoi ? Il y a longtemps que vous courez pieds nus ?

Mon parcours est classique chez les nu-pieds : j’ai couru 4 ans avec des douleurs dans les jambes. J’ai lu Born to Run en avril 2013 et décidé d’essayer une transition pour voir si la course pieds nus pouvait m’aider. Et ça m’aide, je n’ai plus de blessures ! Le lendemain du semi-marathon, j’ai couru 15 km avec de très bonnes sensations dans les jambes. La chaussure est une invention intéressante, tout comme le canapé ou la télévision, mais ça n’aide pas à construire le corps de manière saine et complète.

Le peuple portugais libre marchait sans chaussure jusqu’à la dictature. En 1928, il a été interdit de marcher pieds nus dans les rues de Lisbonne et Porto (Coimbra en 1934, Aveiro en 1956). Aujourd’hui il n’y a plus de dictature, mais nous continuons à être les esclaves du business sportif.

Vous êtes un défenseur du barefoot running ? Pourquoi ? Quels sont les vrais avantages de courir pieds nus ?

Lorsque je cours sans chaussure, ma technique se doit d’être parfaite, chaque erreur me fait mal aux pieds. J’ai dû réapprendre à courir. J’ai gagné en précision et en délicatesse. J’ai appris à me détendre. Avec la chaussure, on perd beaucoup d’informations, elle te permet de courir sans précision, mais avec le temps, des blessures apparaissent dans les jambes. Autre problème, un pied dans une chaussure ne développe pas ses muscles ni ses tendons, et la jambe ne fonctionne pas bien.

Ce sont 2 philosophies différentes. Courir en chaussures est une violence faite au corps, dans le but de gagner. Courir pieds nus c’est courir avec le corps, le célébrer. Brutalité ou finesse.

Quels sont les conseils que vous donnez à ceux qui souhaitent courir pieds nus ?

Avant de courir, il faut re-développer le pied avec des promenades. Progressivité est le maître mot. Respecter le corps. Ne pas acheter de chaussures minimalistes mais recommencer de zéro, comme un enfant. Il faut de la patience, c’est le problème pour beaucoup, pour moi aussi.

Ensuite, il faut lire, lire et lire. Passer plus de temps à chercher l’information qu’à faire du shopping à Décathlon. Ça n’est pas uniquement retirer ses chaussures, c’est changer de technique. Il faut comprendre comment ça fonctionne. J’ai énormément appris avec le livre de KB Saxton Barefoot Running Step by Step, mais aussi avec la sympathique communauté de la Barefoot Runners Society, ou la fantastique vidéo de Mark Cucuzzella.

Vous courez également sur les chemins, mais avec une simple paire de sandales. On ne se blesse pas ?

Mon pied n’est pas encore prêt pour tous les chemins, ça prend du temps de reconstruire la machine. La fine sandale me semble une alternative intéressante : même si le pied perd le contact avec le sol, il garde une liberté de mouvement et continue à s’adapter aux pierres et aux racines, sans transpirer ni s’abîmer. J’ai fait les 50K de Barrancos en sandales, c’était bien !

Quels sont vos prochaines épreuves ? Vous préférez la route ou le chemin ? Votre distance favorite ?

Ma tradition est le semi-marathon de Lisbonne, mais le 50K de Barrancos m’a donné envie d’explorer les chemins portugais. Je ne suis pas un homme de compétition, je ne vais pas en faire beaucoup cette année. Je ne suis pas encore prêt pour le marathon, ils disent qu’il faut bien 2 ans pour construire le pied.

Philosophie de vie ?

Ne jamais croire le vendeur, le sponsor, la publicité, mais rechercher les vrais professeurs, la liberté et le bien-être.

762895-1006-0031s km 15

(notez comme le bonhomme à côté de moi est en train de pilonner le sol avec une jambe toute droite et tendue vers l’avant, se repoussant lui-même vers l’arrière, pas étonnant qu’il fasse la gueule. Il a peut-être fait le même chrono que moi, mais il s’est certainement détruit les jambes et le dos pour le restant de ses jours…)

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Très rapide aperçu de la réflexologie plantaire

Dans l’histoire

La réflexologie plantaire est une thérapie que l’on retrouve à travers les âges et les cultures sous des formes diverses et variées, mais toujours avec cette idée de rééquilibrer l’organisme par des pressions dynamiques et répétées en diverses zones de la plante du pied, cette plante du pied étant une carte du reste du corps.

On trouve les premières traces de réflexologie chez les Égyptiens :

EgyptReflexologyLarge« ne me fais pas mal » dit le patient, « je ferai en sorte que tu me remercies » répond le praticien à la peau brune, qui vient du sud de l’Égypte. La peinture date de -2330 et a été découverte sur le tombeau du pharaon Ankhmahor.

Environ à la même époque mais en Chine se développe le Kwang Tsu Fa, réflexologie plantaire qui trouve son origine dans l’acupuncture. Cette thérapie chinoise disparaîtra et refera surface à plusieurs reprises selon les régimes politiques.

La réflexologie est évoquée de manière symbolique dans le bouddhisme : les empreintes laissées par les pieds de l’Éveillé sont souvent ornées de 108 (ou 132) signes :

buddha

Dans la tradition hindoue, les pieds de Vishnu sont également décorés de nombreux symboles qui représentent l’unité de l’univers, ou encore l’harmonie au sein du corps :

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En Amérique, les Indiens Cherokee pratiquent eux aussi cette thérapie. Certaines théories suggèrent que cette connaissance leur viendrait des Mayas. Dans la réflexologie cherokee on retrouve l’idée que « nos pieds marchent sur la Terre et grâce à cela, notre esprit est relié à l’Univers ».

En Occident, rien avant le 20ème siècle. Mais la médecine moderne réinvente la roue à partir des années 20 aux États-Unis grâce aux travaux de la kinésithérapeute Eunice Ingham. Sans rien connaître des thérapies chinoises ou cherokee, elle met en évidence les zones réflexes du pied et dessine la « carte » à partir de laquelle se baseront toutes les méthodes actuelles de réflexologie plantaire. Les résultats sont probants, et durant trente années elle donne des séminaires et consultations à travers tout le pays, à plus de 45 000 étudiants et patients. A cette époque, les élites et les lobbys s’enthousiasment pour la médecine chimique et regardent d’un œil méfiant les pratiques plus douces : E. Ingham est poursuivie en justice pour exercice illégal de la médecine (la plainte finit par être abandonnée en raison de l’âge avancée de la praticienne).

Le sentier de réflexologie, ou l’auto-thérapie

« dans presque chaque village de Taïwan, ils ont construit des chemins de galets, et tous les matins à 3 ou 4 heures, des gens viennent marcher pieds nus sur ces sentiers pendant une demi heure avant d’aller travailler. Des centaines, des milliers le font. C’est devenu une manière de vivre. Je crois que c’est très important. Pour moi c’est comme prier ou méditer, j’en ai besoin pour ma santé, et je pense que tout le monde en a besoin » – le père jésuite suisse Josef Eugster, 1995

httphealthyaging.ori.orgcobblestonephotoschina

Ces chemins sont monnaie courante dans les parcs publics de nombreux pays d’Asie : Corée, Japon, Thaïlande, Indonésie, Chine, Malaisie, Singapour… Leur popularisation aurait commencé en Chine avec la Révolution Communiste et sa politique de santé très orientée vers la prévention et les méthodes naturelles. Le Tai-Chi ou la marche réflexologique sont promues par le régime et les camarades sont vivement incités à les pratiquer. Ces méthodes avaient l’avantage d’être gratuites et de pouvoir être pratiquées dans la rue de manière communautaire. Après le Portugal, encore un exemple qui montre combien les habitudes sont le fruit de choix politiques.

galets

Les chaussures et la réflexologie

E. Marazita, praticienne de réflexologie défend cette idée : « Porter des chaussures toute la journée peut affaiblir les tissus des muscles et amener le sang à stagner. Cette stagnation se traduit par l’accumulation de déchets dans les pieds, qui sont des dépôts de calcium et de cristaux d’urate qui se fixent sur les terminaisons nerveuses des pieds. Les réflexologues appellent ces dépôts des structures granuleuses, qui empêchent la libre circulation de l’énergie.

En -2500, le premier livre de médecine chinoise, le Classique Interne de l’Empereur Jaune indiquait déjà : « une interruption dans la circulation du Qi se traduit par la douleur ». La réflexologie moderne pense que de la congestion résulte la maladie. La circulation est la vie, la stagnation est la mort. »

Et Marazita de conclure : « les primates continuent à pratiquer la réflexologie en marchant les pieds nus, et en laissant la Terre et la gravité masser les zones de stagnation. Dans l’histoire humaine, le port de la chaussure de manière inconditionnelle n’a que quelques siècles.« 

Courir

Chaque fois que je pars courir une heure sur les sentiers de la Terre, je foule le sol approximativement 11 500 fois. C’est 3 000 de plus qu’à la bonne époque où je portais des grosses Nike. Mais c’est surtout 11 500 massages irréguliers et aléatoires qui viennent décongestionner mes pieds et permettre la bonne circulation de l’énergie.

pieds

Fred Rohé nous invite à faire circuler le Prana par le contrôle de la respiration. La réflexologie nous invite à laisser circuler le Qi par l’usage des pieds nus.

2 énergies vitales, l’une issue du Yoga, l’autre de la médecine chinoise. La course à pied quand elle est pratiquée avec conscience et précision est une voie vers la vie et la vitalité.

Marcher

Nul besoin de courir pour respirer pleinement tout en foulant le sol. La marche à pied se prête à merveille à cet exercice. Randonneurs, n’hésitez pas à rejoindre les joyeux Va-nu-pieds du RIB.

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Dieu existe – je l’ai trouvé dans une paire de Nike

Cavanna, le créateur de « Hara-Kiri, journal bête et méchant », est décédé la semaine dernière. Son mensuel satirique et de bon goût mettait un point d’honneur à n’être financé par aucun annonceur. La publicité était l’un de ses ennemis préférés. Voici quelques chefs-d’œuvres d’un fanzine des années 1960 :

HK image 075 HK image 097 HK image 141caféplein d’autres et bien plus crades par ici

De la publicité, Cavanna disait ceci : « la pub nous prend pour des cons, la pub nous rend cons. Tout est dit. L’astucieuse salope nous clame sans répit que nous sommes les meilleurs et que nous seuls sommes dignes du meilleur. Le meilleur étant, cela va de soi, le produit qu’elle veut nous vendre. Comme l’affirme un slogan dont le succès dure encore : « Vous le valez bien ! » Ce succès, à lui seul, montre à quel degré d’autosatisfaction imbécile nous a réduits le bain épais de publicité où nous sommes plongés. Oser user d’une flatterie aussi grosse n’est-il pas prendre les gens pour des cons ? »

Tout le monde tombera d’accord avec ce lucide constat. Pour autant, qui n’a jamais acheté l’Oréal pour se laver les tifs, ou une paire de Nike pour pratiquer la course à pied ? On a beau être conscient de la connerie sans borne de la publicité, on s’est tous joliment fait entuber.

1000 raisons de se passer du shampoing, tout autant de ranger ses chaussures. Après 10 mois d’apprentissage sans rien à mes pieds, je peux dire que je cours mieux, je cours plus précis, plus rapide, plus délicat, plus puissant, plus intelligent et paradoxalement plus instinctif. Je n’ai plus mal aux articulations, je ne gaspille plus d’énergie inutilement. Je cours avec tout mon corps, je fais travailler mes neurones autant que mes orteils. Je cours avec tous mes sens, le toucher et l’ouïe font désormais partie de l’expérience. Telle ampoule, telle coupure, tel caillou, telle douleur m’ont fait comprendre mes erreurs et repenser ma foulée. Je contrôle le moindre frottement, j’en tire avantage. Je suis le seul à sourire en compétition. J’ai arrêté de faire chauffer ma carte bleue, elle ne sera jamais capable de me faire réussir un marathon, c’est moi et moi seul qui suis maître à bord. Sans chaussure je deviens (un peu) moins con.

Quel discours publicitaire Nike tient-elle ? Sans surprise, elle nous vend du rêve, de la technologie, de la liberté (la bonne blague !) et de la performance. La pub, ça ose tout, c’est même à ça qu’on la reconnait. Nike fait de nous des hommes et des femmes meilleurs. Toi aussi Petit Gros tu peux devenir quelqu’un de bien, mais d’abord, crache ta thune et va courir.

Mais Nike fait aussi l’apologie de la douleur et de la victoire, et ça c’est déjà plus craignos :

Nike-PainIsTemporary-Running-Quote

Ah, parfois il arrive qu’elle affiche sans la moindre honte son idéologie raciste et puante :

Old-Nike-Advertisements-4 (1) « et c’est ainsi que les Samburu nus-pieds entrent dans le 21ème siècle »

Et surtout, surtout, Nike nous ordonne de débrancher notre cerveau,
de lui faire pleinement confiance, et de courir :

nike_dontthinkrun1Explicitement, la pub nous invite à être cons ! « soyez cons, courez ! »

De la vacuité de la presse spécialisée

La presse spécialisée ne sert à rien, elle est vide, elle n’a rien à nous dire, elle n’a aucune connaissance à nous faire partager. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’elle ne doit son existence qu’aux annonceurs, dans le cas de la course à pied ceux qui vendent des chaussures, des semelles correctrices, des genouillères, des barres énergétiques, des boissons de l’effort et des gps. L’industrie ne veut pas que tu sois libre et en bonne santé, sans quoi elle s’écroule. La presse spécialisée ne peut pas aborder la philosophie de la course pieds nus, elle ne peut pas inciter le lecteur à abandonner les produits industriels au profit d’une alimentation saine, locale et naturelle. Elle nous parle de tel champion sponsorisé par tel équipementier, elle nous parle du dernier produit « testé » par les « journalistes ». Elle joue le jeu des annonceurs et nous fait croire que nous ne sommes capables de rien sans eux, que s’épanouir par une pratique physique passe nécessairement par l’achat de prothèses, qui nous rendent malades, mais hé que veux-tu c’est le prix à payer pour la gloire.

Lorsque le site web « www.Runners.fr – nés pour courir » aborde la question de la course sans chaussure, c’est pour cracher dessus sans prendre les moindres pincettes. C’est tellement grossier que c’en est ridicule.

J’ai tout ré-appris de la course avec Ken Bob Saxton. Ce mec ne vit pas de la course à pied, il n’a aucun sponsor sur le dos, n’a gagné aucune médaille. Il a un job de technicien pour gagner sa croûte, et a pratiqué la course de manière libre et passionnée pendant plus de 30 ans, ce qui lui a permis de construire une vision saine de la chose. C’est uniquement après 400 compétitions (dont 80 marathons) qu’il a couché sur papier sa philosophie et sa compréhension de la course pied-nu et vendu son bouquin.

« La pub nous prend pour des cons, la pub nous rend cons. Tout est dit. » Cavanna est mort et la pub est Reine.

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le Kiwi et le cercle vertueux

Continuons à déconstruire les idées reçues sur la chaussure et montrer que cette mauvaise habitude du pied qui pue n’est rien d’autre qu’un choix culturel. La Nouvelle-Zélande va m’aider à exploser quelques lourds préjugés.

La Nouvelle-Zélande est un pays riche, peuplé en majorité d’Occidentaux, de descendants d’Européens, chrétien à 55%, et avec des hivers aussi terribles que ceux de Nice, San Francisco ou Lisbonne. Toutes les conditions semblaient donc réunies pour voir émerger une tyrannie des Chaussés sur les Autres. Et pourtant non, rien de tel, le pied nu ne semble pas déranger grand monde au pays des Kiwis. On le retrouve chez les jeunes comme chez les vieux,  à la ville comme à la campagne, dans les rues propres, dans les rues sales, à l’intérieur comme à l’extérieur, en hiver comme en été, sous la pluie comme en plein soleil, chez les Maoris comme chez les Blancs, au MacDo, au supermarché, à l’ambassade, dans le bus scolaire ou à l’université (tous ces exemples sont sourcés, je n’invente rien). Il n’est pas majoritaire, mais le pied nu est là et ne choque personne.

A l’école

Certaines écoles interdisent le port de la chaussure à l’intérieur de l’établissement. Dans d’autres, le règlement ne dit rien et chacun fait comme il veut. Les mômes apprennent le rugby sans chaussure. Sur son blog, un père californien vivant à Auckland depuis un an s’étonne de la chose et fait la remarque suivante : « les enfants se rendent à l’école sans chaussure. Ils traversent la rue ensemble (il n’y a pas de passages piétons), ils galopent et ils sautent sans protection à leurs pieds. Il n’y a pas de danger sous le pied, et pas plus de raison de s’emmerder avec des chaussures »

Sa conclusion rejoint les miennes sur le pied nu et la confiance en soi :

« des parents qui ne s’inquiètent pas élèvent des enfants qui ne s’inquiètent pas. Les enfants qui ne s’inquiètent pas deviennent des adultes qui ne s’inquiètent pas. C’est un cercle vertueux qui en Nouvelle Zélande commence par le pied nu »

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De la course à pied

Il existe une compétition de course à pied qui s’appelle le 24 heures. Il s’agit de courir la distance la plus longue possible en l’espace d’une journée. La dernière édition néozélandaise a eu lieu le 5 octobre 2013. Le vainqueur a parcouru 211,5 km (oui oui) sans chaussure (non non).  Le mec n’est pas Noir, ni Maori, ni pauvre, des fois il court avec, des fois il court sans, selon les objectifs, selon les spécificités de la course. Courir pieds nus lui permet de renforcer les muscles de ses pieds et avoir des jambes plus solides.

WayneBotha1

Du débat public

Il arrive que la question du pied libre apparaisse dans le débat national, notamment quand des étrangers viennent s’en mêler. En 2006, l’Américaine Erin Mackie et maitre de conférence dans une université néozélandaise publie une sympathique chronique dans l’hebdomadaire NZ Listener. Selon elle, l’habitude du pied-nu relèverait d’une incompréhension de l’hygiène publique.

« Que les Néozélandais aillent nu-pied si souvent dans l’espace public est l’une des quelques habitudes ici qui semblent non seulement arriérées et non-civilisées, mais également non-hygiéniques et repoussantes pour les Nord-Américains« 

Les réponses ne tardèrent pas, certains répondirent que la chaussure n’est que le symbole de la déresponsabilisation américaine, une protection pour éviter d’absurdes procès en cas de blessure, d’autres expliquèrent qu’une chaussure qui pue est bien plus sale qu’un pied lavé quotidiennement, d’autres suggérèrent que les allergies galopantes dans les pays du Nord viendraient d’un mode de vie aseptisé et déconnecté du sol. Je suis d’accord avec à peu près tout.

macdol’absurdité n’est pas d’y aller pieds-nus, l’absurdité c’est d’y aller

S’affranchir

Il reste que je n’arrive pas à expliquer par quels mécanismes les Kiwis, fils de l’Europe, ont su s’affranchir du poids symbolique de la chaussure ainsi que de la parano d’un sol ennemi et mortel. Certes les Maoris allaient nu-pied à l’époque de la colonisation, mais pourquoi les Blancs n’ont-ils pas considéré cette liberté comme une marque d’animalité honteuse comme ils l’avaient fait déjà à bien des endroits sur le reste de la planète ?

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