Plus j’avance dans ma compréhension du yoga et plus celui-ci m’aide à reconsidérer ma pratique de la course à pied. Rôle central et primordial de la respiration, compréhension du corps dans son ensemble, acceptation de ses limites, focalisation sur l’instant présent, souci du moindre détail, posture verticale, équilibre entre effort et relâchement, entre corps et esprit, reconsidération de la souffrance comme ne faisant pas partie du cheminement, végétarisme, frugalité, recherche d’une union avec le sacré… la liste est sans fin.
On trouve de nombreux ponts entre le monde de la distance et le yoga. Scott Jurek, KB Saxton ou Barefoot Ted accordent tous une importance majeure à cette discipline, et Fred Rohé invite à la méditation par une course en harmonie avec sa respiration.
Dans son livre Yoga – Anatomie et Mouvements, Leslie Kaminoff dédie quatre pages complètes au pied. Voici ce qu’on peut y trouver :
« le pied, dans sa forme actuelle, est le résultat de plusieurs millions d’années dans un monde sans routes ni trottoirs. Aujourd’hui, alors que la plupart des sols ont été nivelés et recouverts d’asphalte, il s’avère paradoxalement trop complexe. Lorsque l’adaptabilité du pied n’est plus nécessaire à la locomotion, les muscles profonds qui soutiennent la voûte plantaire s’affaiblissent par la force des choses et seul le fascia plantaire, superficiel et contractile, empêche l’effondrement total de la voûte. Cela favorise la fasciite et les problèmes d’épine calcanéenne. La pratique des postures de tadasana est l’un des meilleurs moyens pour que le pied retrouve sa vigueur, sa force et son adaptabilité naturelles.
Une fois les fondations assainies,
il est beaucoup plus facile de remettre la maison en état«
En plus des muscles, on peut rajouter que le pied libéré reconstruit également flexibilité et capitons plantaires. Ces derniers sont bien visibles sur ce schéma, tiré du même livre. Non les va-nu-pieds n’ont pas de corne !
Tim Ingold dans son étude anthropologique de l’homme occidental déconnecté du sol faisait une comparaison entre les chaussures et la chaise, deux moyens de nous séparer symboliquement de notre animalité, de notre instinct, pour faire place à notre humanité et à notre raison. Dans Yoga – Anatomie et Mouvements, Leslie Kaminoff évoque la position assise de cette manière :
« Les chaises, les sièges de voiture et les canapés sont un peu aux articulations et au bas du dos ce que les chaussures sont au pied. En Inde, il n’est pas rare que même les familles aisées se passent de meubles, préférant s’asseoir, manger et même parfois dormir à même le sol. Aussi, l’épidémie galopante de lombalgies qui sévit en Occident, est-elle quasiment inconnue dans le sous-continent. En yoga, tout comme avoir les pieds nus permet de développer un nouveau rapport au sol dans les postures debout, dans les postures assises, on constate un changement dans la relation que les hanches, les articulations pelviennes et le bas du dos entretiennent avec le sol »
femmes Rabari (Inde), avec costumes et bijoux qui coutent la peau du slip
mais sans chaussures ni chaises.