Gordon Pirie – Courir Vite et Sans Blessures

Je viens de traduire le petit livre de Gordon Pirie, Running Fast and Injury Free, que vous pouvez télécharger gratuitement en cliquant sur l’image ci-dessous :

Gordon Pirie, champion olympique des années 50, et Guinness Record de l’homme qui a couru le plus de kilomètres au monde écrivait dans les années 1980 un court essai, jamais publié, avec dedans des idées radicales sur la course à pied, qui 40 ans plus tard restent plus que jamais pertinentes et nécessaires.

Gordon nous explique qu’avant de considérer la distance ou la vitesse, il faut apprendre à courir, développer une technique qui une fois acquise permettra de courir sans blessures, qu’importent les distances, qu’importe la vitesse.

Il explique ensuite que les baskets modernes délirantes (et ça date des années 80, quand elles n’étaient pas encore aussi délirantes qu’aujourd’hui) nous empêchent de construire une bonne technique, et nous poussent vers la maladresse, la brutalité, et donc les blessures. Il recommande les chaussures les plus fines, les plus légères, et invite à intégrer des exercices pied nu à l’entraînement. Il s’est fâché avec Adidas à qui il reproche de produire des chaussures qui détruisent les coureurs.

Ses 3 premières « lois » sont les suivantes :


1 – Courir avec une technique correcte (même pieds nus), sur n’importe quelle surface, ne provoque aucune blessure.
2 – Courir équivaut à bondir vers l’avant et à atterrir de manière élastique sur l’avant-pied avec un genou fléchi (ce qui permet d’avoir des pieds silencieux). À l’atterrissage, le pied doit se trouver directement sous le corps. (La marche consiste à atterrir sur les talons avec une jambe droite).
3 – Tout ce qui est ajouté au corps nuit à l’aptitude à la course

Donc un livre gratuit à mettre dans toutes les mains de tous les entraîneurs, de tous les profs d’EPS, de tous les coureurs de tous niveaux, et surtout surtout, de tous les coureurs aux genoux régulièrement broyés !

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Je me meus sans chaussures et ça va beaucoup mieux

Course de 5 km en Indonésie

Voici un article mien, paru sur Reporterre récemment. Ils ont apporté des modifications, je publie ici celui que je leur avais proposé initialement (dans la limite des 6000 signes) :

Pour bien des raisons, il apparaît passionnant et pertinent de reconsidérer notre rapport à la chaussure. Tous les jours, sans même y penser, nous glissons des semelles sous nos pieds dès lors que nous sortons arpenter le monde, mais cet acte en apparence anodin n’est pas sans conséquences. Une humanité constamment chaussée est une humanité qui renie toute une dimension sensorielle de l’être, perd le lien physique avec son environnement, ne développe plus de délicatesse dans son mouvement, et perd son autonomie car devient « dépendante » de l’outil que ses mains ont imposé à ses pieds. Pour mieux prendre conscience de cette dépendance, je vous invite d’ailleurs à crapahuter sur les chemins quelques heures sans chaussures.

Nos pieds sont des organes complexes. Ils comptent un quart des os du corps, et leur plante est dotée de milliers de terminaisons nerveuses. Celles et ceux qui, dès leur plus jeune âge sont libres d’utiliser pleinement leurs pieds développent instinctivement une capacité à gambader sur tous les terrains, et n’ont pas « besoin » de semelle protectrice, si ce n’est pour faire face aux conditions particulières comme le grand froid en hiver ou le buisson de ronces à traverser. Leurs pieds sont larges et plastiques, font preuve de dextérité, et chaque orteil sait se mouvoir indépendamment des autres. Il n’y a ni « corne » ni mauvaises odeurs !

Comparaison de pieds habituellement chaussés (à gauche) et habituellement nus (à droite). Le port de la chaussure déforme les pieds et empêche leur développement complet. The American Journal of Orthopedic Surgery, 1905

Mais malheureusement, le pied nu est coupable de s’opposer à la grande marche civilisationnelle et d’évoquer nos origines animales et/ou tribales, supposément honteuses. Depuis l’Antiquité, nous opposons le pied à la main habile et créatrice (1). Nous l’emprisonnons, le cachons, et n’attendons rien de lui si ce n’est qu’il soutienne notre posture verticale, notre fière bipédie. Darwin observait que, « chez quelques sauvages, le pied n’a pas entièrement perdu son pouvoir préhensile, comme le prouve leur manière de grimper aux arbres et de s’en servir de diverses manières » (2), assimilant par ces mots l’homme tribal à un plus-singe-que-nous, un moins-évolué-que-nous, sans comprendre, hélas, que ce sont ses bottes à lui qui l’empêchent de développer pareilles compétences. Au Portugal, de 1928 à 1974, la Ditadura Nacional, puis l’Estado Novo imposent la chaussure à ses citadins : le pied nu devient passible d’amende et de prison car il est « une mauvaise habitude qui n’existe qu’en Afrique. Nous faisons pire que les Marocains, qui tous mettent des babouches. Au nom de la civilisation, chaussez-vous » (3).

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Courir Pieds Nus, le livre de Ken Bob Saxton

Récemment, j’ai proposé aux éditions Souccar ma traduction de Barefoot Running Step by Step de Ken Bob Saxton, le livre qui en 2013 avait transformé ma compréhension de la course à pied. L’ouvrage est sorti en français ce 1er juillet, il s’appelle Courir Pieds Nus et vous le trouverez dans toutes les bonnes librairies. Il est à mettre dans les mains de tous les coureurs qui en ont marre de s’abîmer les genoux.

À cette occasion, j’ai eu l’opportunité d’interviewer l’auteur et guru Ken Bob Saxton, de qui j’ai tant appris. Voici donc :

Le « pape du pieds nus », Ken Bob Saxton, a rassemblé toute son expérience et ses techniques dans un livre : Courir pieds nus. Dans cet entretien, il explique pourquoi ce mode de course bénéficie à tous les coureurs, surtout les plus douillets, et permet de limiter les blessures.

Vous avez couru 80 marathons, le premier avec des chaussures, mais tous les autres pieds nus. Pourquoi ?

Ken Bob Saxton : Mon objectif à l’époque était de courir un marathon au moins une fois dans ma vie. Les dix derniers kilomètres ont été très douloureux, mes pieds étaient recouverts d’ampoules. Mais après la course, en retirant mes chaussures, j’ai constaté que la plante de mes pieds était en parfait état. Seuls le dessus de mes pieds et l’arrière de mes chevilles étaient abîmés : la chair était à vif, et tous les ongles de mes orteils, noirs, sont tombés les jours suivants. Qu’importe, j’avais couru un marathon et atteint mon objectif, je n’avais donc aucune raison de connaître une telle douleur à nouveau.
Ça n’est que onze ans plus tard, en courant de longues distances sans chaussures sur les chemins, que j’ai réalisé que j’étais prêt pour courir un nouveau marathon, mais cette fois-ci pieds nus, et, plus important, sans douleur.

Pourquoi courir pieds nus ? En quoi cela permet-il de réduire les blessures en course à pied ?

Les gens atterrissent bien souvent avec un impact plus violent quand ils portent des chaussures ou quand ils courent sur des terrains trop meubles, parce qu’il leur manque la dimension sensorielle de l’atterrissage – le feedback immédiat (que dans le livre nous nommons le FeetBack), cette sensation que notre cerveau interprète comme un avertissement dès lors que nous atterrissons avec trop d’impact. En l’absence d’une telle information, nous avons tendance à négliger notre technique, d’autant plus si la bonne technique n’est pas déjà solidement ancrée.

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Vila Nova de Milfontes, pieds nus

Le premier dimanche de mai, c’est jour de course pieds nus partout sur la planète. A Vila Nova de Milfontes également (les années précédentes à Porto et à Lisbonne). Tous ensemble, nous avons découvert l’importance de nos sensations pour un usage plus subtil, précis, décontracté et joyeux de notre corps. Le goudron dur et rugueux nous a invité à remettre en question notre comportement, notre technique de marche et de course. Il nous a fait prendre conscience de nos limites, nous a obligé à les prendre en compte. Le monde chaussé nous a alors semblé un monde « de brutes ».

Il y avait dans le groupe des enfants, des chiens, un champion de course à pied (1h06 sur semi-marathon !), des pratiquants de jiu-jitsu, capoeira, équitation (on a parlé de la philosophie « barefoot » chez les chevaux), il y avait des Lithuaniens, des Slovènes, un Ecossais, un septuagénaire, des gens abîmés par une mauvaise pratique de la course à pied, un clown espagnol, une masseuse shiatsu, etc, etc, etc…

We don’t need no stinkin shoes !

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Comment courir pieds nus (Barefoot Running – How)

J’ai couru 3 longues années avec des blessures régulières dans les jambes (genoux, chevilles, hanches parfois). En discutant autour de moi, j’ai rapidement compris que la quasi-totalité des coureurs amateurs (mais aussi de nombreux randonneurs, badmintoneurs, etc…) souffraient de problèmes semblables. J’ai lu de nombreux livres qui n’ont pas su répondre à mes interrogations, jusqu’à ce qu’un ami me suggère l’ouvrage de KB Saxton, Courir Pieds Nus. Les idées radicales et pertinentes présentées avec humour et pédagogie par l’auteur m’ont permis de corriger très rapidement ma technique de course, de me débarrasser de mes blessures, d’exploser mes performances en compétition, mais aussi, d’initier une toute autre compréhension de mon propre corps, et, de fil en aiguille, de notre relation aux objets, aux outils, à la publicité, au discours médiatique, aux codes sociaux, au groupe, au bien-être, etc…

9782365494960-courir-pieds_gKB Saxton, l’auteur de l’ouvrage, tient également un site internet, barefootrunning.com, et la page centrale, « comment », tente de résumer en quelques mots les grands principes qui se cachent derrière la course pieds nus. J’invite tous ceux qui souhaitent perfectionner leur technique de course (marche), et/ou se débarrasser de leurs blessures chroniques, à prendre le temps de lire ces quelques principes, plusieurs fois. Et je donne le même conseil à tous ceux qui seraient tentés par la dangereuse aventure minimaliste (mais par ailleurs ô combien passionnante).

(plus de photos, de schémas, de vidéos et de liens sur la page originale, en anglais)

le guru !

Comment ?

Quand vos amis vous demandent « mais comment peux-tu donc courir pieds nus ? », dîtes-leur de se rendre sur cette page !

Marcher et courir, pieds nus ou chaussé

Les principes présentés sur cette page s’appliquent aussi bien à la marche qu’à la course, chaussées ou déchaussées. Il sera tout particulièrement question de l’apprentissage et du développement d’une marche et d’une course nécessitant moins de travail (donc plus efficientes), moins violentes (donc plus douces), et plus joyeuses (car plus gracieuses).

Plus rapide, plus loin, et plus fréquemment

« vous pourrez courir plus loin, plus vite, et plus fréquemment, si vous commencez par le commencement » – Ken-Bobisme n°183 (NdT – tous les Ken-Bobismes sont par là)

Je ne dis pas que nous devrions tous courir pieds nus tout le temps. Chaque course, ou même chaque moment d’une course, n’est pas obligatoirement un processus d’apprentissage, n’a pas nécessairement vocation à nous faire évoluer, changer, grandir. Mais quand nous voulons apprendre à courir (marcher) avec plus de précision et de délicatesse, nous pouvons apprendre de manière beaucoup plus rapide avec nos pieds nus sur des terrains stimulants. Tout comme il est plus facile d’apprendre à lancer des fléchettes lorsqu’on peut voir là où les fléchettes vont se planter, il est plus facile d’apprendre à courir quand la plante de nos pieds peut sentir instantanément les forces qui passent à travers elle pour s’étendre à l’ensemble du corps.

Commencer ici

Toutes les forces qui causent les blessures de stress les plus communes chez le coureur passent par la plante de nos pieds (ou par la semelle de nos chaussures). C’est bien pour ça que la plante de nos pieds Lire la suite

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Milfontes

Petite promenade le long des falaises. 25 personnes, 12 nationalités (Lettonie, Brésil…), 3 chiens. Sans protection aux pieds, c’est une nouvelle dimension qui s’est imposée à nous, un nouveau monde de sensations qui s’est offert à nous. Le choix d’un rapport plus honnête au corps et au monde, le choix de règles du jeu plus authentiques. Granit, herbes, humidité, rayons du soleil, vent, chaud, froid. Plaisirs sensoriels, mais également légères douleurs, parfois, lorsque le pas se faisait trop maladroit, l’équilibre défaillant, la fatigue grandissante. Les enfants les plus jeunes, encore peu conditionnés par les attributs modernes (chaussure, chaise) ont évolués en toute aisance et fluidité, même sur les revêtements les plus coriaces (arénite).

Tout cela nous a amené à renouer avec l’instinct, à rechercher la fluidité et la précision, à considérer nos limites, et éventuellement notre intégrité, à prendre conscience de notre mouvement, de notre environnement, et peut-être aussi de notre dépendance à la chaussure. L’occasion alors de reconsidérer notre rapport au produit de consommation, d’initier une réflexion quant à notre usage immodéré des outils modernes. La stimulation des pieds par les irrégularités du sol a provoqué une grande détente dans tout le corps, et certains ont dit avoir dormi d’un sommeil profond la nuit suivante.  J’avais espéré qu’on puisse s’amuser avec les flaques d’eau et la boue, mais la sécheresse extrême en a décidé autrement. Néanmoins, tout le monde était très content et en redemande.

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Comment chier (how to shit)

En Slovénie il y a Nara Petrovič, fervent militant du pied nu et de la posture accroupie (entre autres, il s’intéresse aussi aux éco-villages et à une foultitude de choses). Il est l’auteur d’un excellent ouvrage intitulé Human: Instructions for Use, best-seller en Slovénie (publication anglaise à venir), qu’il aime résumer de cette manière : « comment la culture viole l’anatomie ».

Je traduis ici un article tiré de son blog sur la question des toilettes modernes et l’acte de la défécation. Dans un style différent du mien, il parle de la même chose que moi : la pollution engendrée par tout un attirail industriel inutile et dans le même temps néfaste pour la santé, la symbolique de ces choix modernes, la perte de compétences naturelles pour les actes les plus simples et les plus triviaux de la vie, et enfin le fait que nous n’accordons plus la moindre importance à nos actes quotidiens. Merci Nara !

J’ai besoin d’un nouveau mot ! La langue anglaise (ou française, ndt) n’a pas de mot neutre pour parler de la merde, mon principal champ de recherche. Tous les mots existants sont ou froidement cliniques, ou vulgaires et argotiques, ou enfantins : selles, matière fécale, déjection, excrément, merde, daube, crotte, caca, popo. Déféquer, aller à la selle, chier, caguer, aller au pot…

Merde !

On pose pourtant tous une merde tous les jours, ou du moins on aimerait bien, mais parler de merde reste de l’ordre de l’obscénité. C’est pour moi un signe évident de notre daubmatisme. J’ai longtemps attendu que quelqu’un dise merde à ce tabou et aborde la question de notre shitzophrénie, mais puisque personne ne le fait, c’est donc à moi que revient le job.

Nous sommes révulsés par la chiure qui sort de notre anus, alors que nous nous abreuvons quotidiennement de la merde dont nous aspergent les médias. Nous évitons le moindre contact avec nos excréments mais nous remplissons nos appartements de tout un tas de merdes. Nos esprits sont remplis d’une vaine, futile et insensée diarrhée mentale. Nous ne voulons rien savoir de notre propre déjection, on la lâche dans la cuvette, tirons la chasse pour la faire disparaître, et c’en est terminé.

Car nous n’en avons rien à chier !

Récemment, nous sommes devenus étrangers à l’acte élémentaire de la défécation, incapables que nous sommes de caguer comme des êtres humains normaux. Ainsi, le montant total des ressources gaspillées, aussi bien que des dépenses de santé liées à notre culture pervertie du trône, est gargantuesque. Je ne suis pas le premier à le dire : l’eau des toilettes est l’une des plus grandes aberrations de notre civilisation moderne. Mais je suis le premier à réunir tous les aspects ayant trait à la merde pour enfin créer une nouvelle science appelée fécologie ! Car il ne s’agit pas uniquement du devenir de nos matières fécales une fois excrétées, il s’agit aussi de comment nous chions : dans quelle posture, dans quel état émotionnel, dans quel contexte social. La fécologie fait remonter la merde à la surface de tous les champs scientifiques, culturels et artistiques : psychologie, sociologie, ethnologie, biologie, chimie, histoire, géographie, philosophie, religion, mode, économie.  Mais avant toute chose, la fécologie traite surtout du bien-être élémentaire et du bon sens le plus simple. Lire la suite

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Porto

Un an après Lisbonne, c’est Porto qui a fait le choix de retirer ses chaussures, avec l’envie de croquer à pleines dents les jeux de la vie les plus crus, les plus exaltants, les plus sauvages.

Faisant fi des qu’en-dira-t-on, il s’est alors agi de se réapproprier l’espace public et d’y affirmer son corps, joyeusement et fièrement. Il s’est agi de reconquérir l’aventure, les sensations, l’instinct, l’autonomie, le plaisir, l’efficience, la précision, la fluidité, l’harmonie, le bien-être, aussi bien physique qu’intérieur. Se déconditionner et oser embrasser un nouveau paradigme, un nouvel imaginaire. Oser la découverte de son soi le plus authentique, le plus honnête. Oser également la reconnexion physique (et peut-être philosophique) au monde vrai et réel. Initier une prise de conscience aussi bien de sa fragilité et de ses limites, que de son plein potentiel. Développer une perception plus globale, holistique, subtile, sensorielle, sensée, de la créature humaine.

Et tout ça grâce au soutien logistique et enthousiaste des va-nu-pieds Rui, Antonio-Pedro, David et João. L’événement était entièrement gratuit, offert par les organisateurs aux sympathiques participants, ça va de soi mais ça va mieux en le disant. Parce que le bien-être, la santé et la connaissance de soi n’ont rien à voir avec le fric.

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Tom Sawyer et la chaise

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En 2014 j’avais déjà évoqué, par ici, Tom Sawyer, l’archétype du jeune garçon aux pieds nus, incarnant l’insouciance, l’aventure, et les joies de l’enfance dans une Amérique rurale à l’aube de grandes transformations. Riant volontiers de la civilisation, de la chaussure, de l’école et du monde adulte, Tom Sawyer est un héros du XIXème siècle jouissant d’un corps joyeux et fonctionnel, et qui, à l’heure actuelle, mérite amplement qu’on s’intéresse à lui.

Depuis lors, l’idée de courir un semi-marathon dans les habits de cet heureux personnage ne m’avait plus quitté, et voilà donc chose faite. Je suis très content du résultat, tout le monde a reconnu le déguisement, j’ai provoqué un nombre incalculable de réactions tout au long de la course,  accepté plusieurs dizaines de « selfies » (arg !) après la ligne d’arrivée, et ai même eu le droit à quelques bises, la grande classe. Tarzan, Tom Sawyer, ma galerie de personnages commence à s’étoffer.
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J’ai couru les 21 km avec mon ami va-nu-pied AP Santos, qui s’est mis à cette saine pratique en 2014 après avoir bu une bière avec Tarzan. AP, en plus d’être un grand ami, est donc celui qu’on peut qualifier de « first follower », celui grâce à qui je ne suis plus un freak solitaire et frappé du ciboulot. AP est celui qui, en s’affichant à mes côtés, transforme ma prestation ridicule en un discours digne d’intérêt, car lui donnant du crédit et de la légitimité (d’autant plus qu’il est déjà une figure médiatique dans le petit monde de la course à pied).

Il nous reste alors à trouver et valoriser notre « second follower », le troisième homme (ou femme !) qui nous permettra de devenir un groupe, vu et perçu comme tel, et l’effet boule de neige pourra enfin se mettre en place, le mouvement pourra enfin prendre forme. Nous deviendrons alors suffisamment nombreux et visibles pour proposer au monde chaussé un nouvel imaginaire, un nouveau paradigme, une nouvelle histoire, et peu à peu, cette civilisation de la chaussure, déconnectée de son  corps et de son environnement, osera s’affranchir de ses prisons dorées et goûter aux fruits sucrés de la liberté. N’ayons pas peur de rêver, ça ne coûte pas un centime (contrairement aux chaussures).

quelques règles de base pour créer un mouvement

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Sans transition aucune.
Suite à la publication de mon précédent article sur resilience.org, le quotidien de l’écologie Reporterre m’a proposé de rédiger une tribune sur la question « pourquoi se passer de chaise ? ». J’étais un peu déçu de ne pas pouvoir parler de la chaussure, mais ils venaient de publier un article sur le sujet et ne souhaitaient pas se répéter. Concernant la chaise, j’apporte quelques éléments nouveaux, mais il y a surtout la satisfaction d’être publié par un site grand public, « populaire », dans le beau sens du terme. Les exigences étaient : un texte en moins de 6000 caractères, en restant « très pédagogique ». Dur.

Je copie-colle ici le texte de l’article original (visible là avec des photos en couleurs) :

Reporterre : « C’est un des articles les plus étonnants qu’on ait publié. Lisez-le, il va modifier votre vision du monde – ou en tout cas, l’interpeller. »

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Le corps autonome et fonctionnel

l’article a été publié en anglais sur resilience.org

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Le corps autonome et fonctionnel, et quelques considérations qui en découlent concernant l’outil en général

Lorsqu’on considère les critiques faites au monde moderne depuis les années 1970, ainsi que les solutions proposées pour répondre aux crises globales en cours et à venir, on tombe immanquablement sur la question de l’autonomie. Autonomie énergétique et alimentaire, mais aussi médicale, financière, etc… L’éventuelle résilience des sociétés face aux grandes transformations qui s’annoncent ne serait possible qu’à travers des systèmes moins dépendants d’une organisation globalisée, moins dépendants de super-outils ultra-complexes, moins dépendants de la super-énergie fossile, ou moins dépendants de multinationales et corporations protégeant jalousement leurs connaissances. Pour vivre bien demain, il s’agirait de se réapproprier des compétences et des savoirs essentiels : se nourrir, se guérir, construire son habitat, etc, tout ça à des échelles plus locales.

La perte d’autonomie des sociétés et des individus, devenus dépendants d’un système destructeur, tant pour la planète que pour le groupe ou l’individu lui-même. Certes.

Mais on peut proposer une lecture similaire des choses à un niveau autrement plus élémentaire : l’homme moderne dans sa majorité a perdu son autonomie physique, jusque dans sa locomotion et dans son repos.  Tout comme l’économie mondiale est accro au pétrole, l’homme moderne est drogué à la chaussure et au fauteuil (d’ailleurs tous deux désormais issus du pétrole, le piège est Total), puisqu’il n’est plus capable de vivre sans. Tentez l’expérience vous-même pendant 24 heures, et vous comprendrez mieux. Cette addiction a pour effet, d’une part, la production et la consommation infinies de produits hautement transformés et mondialisés (le notable exemple de la paire de reunning), ainsi que, d’autre part, l’apparition de dysfonctionnements physiques et autres complications médicales pour l’individu.

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[1] La locomotion autonome

« La pire chose qui soit arrivée au pied est la chaussure, ou peut-être la deuxième, après le goudron. Ces deux produits de la civilisation urbaine ont finalement vaincu le pied humain, lui qui, dans son état primitif, avait traversé les continents, joué des jeux sauvages et dansé sans relâche des jours durant » – George Sheehan, coureur, 1918 – 1993

En retirant mes souliers il y a de ça bientôt quatre ans, j’ai dû faire face à un saisissant constat : j’étais physiquement dépendant de ce simple accessoire pour me déplacer. Courir plus de 5 minutes sur du goudron, même lisse, était douloureux. Marcher, progresser, sur des chemins pierreux, donc naturels, était simplement inimaginable. Mieux, après quelques mois de découverte, je prenais conscience que mon comportement, mon mouvement, mon attitude, ma technique de marche et de course, avaient été pendant toutes ces années particulièrement violents et destructeurs pour moi-même, d’où des blessures à répétitions, desquelles découlaient une fatigue psychologique. Sans protection aux pieds, sentir simultanément mon corps et mon environnement m’oblige à rechercher une relation respectueuse des deux. En quatre ans de découverte, j’ai développé une certaine fluidité et précision dans mon mouvement, une plus grande sagesse et précaution dans mon comportement, (et, accessoirement, des meilleurs chronos sur semi-marathon), et ai pu jouir de tous les bénéfices qui vont avec, notamment en termes de bien-être et de santé.

Maurice nous enseignant la technique de course naturelle, instinctive, saine et efficiente :
posture détendue, grand sourire, tronc vertical,
et genou plié avant le contact du pied avec le sol

Mais je comprends que mon sevrage n’est pas terminé : mes pieds ne sont toujours pas pleinement fonctionnels, je n’ai pas encore la capacité d’épouser toutes les aspérités du sol ou d’enchaîner plusieurs journées de randonnées. Pour ça, je compte qu’il me faudra encore une dizaine d’années. L’adulte en transition est particulièrement lent dans son cheminement vers l’autonomie, et rien ne peut accélérer le processus.

ma course après prise de conscience et correction

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[2] Le repos autonome

« Nous ne savons plus nous accroupir. Je considère que c’est une absurdité et une inféri­orité de nos races, civilisations, sociétés. (…) La position accroupie est, à mon avis, une position intéressante que l’on peut conserver à un enfant. La plus grosse erreur est de la lui enlever. Toute l’humanité, excepté nos sociétés, l’a conservée. » Marcel Mauss, anthropologue – 1934

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Milfontes

L’idée a été de faire une promenade sans protection aux pieds, dans le but de redécouvrir des sensations oubliées : les différentes textures du sol (sable, granit, herbes, graviers, terre, …), les températures, le vent, le soleil, l’eau….

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15 adultes civilisés et 8 enfants pleins de spontanéité, pour un total de 6 nationalités différentes, ainsi que 4 chiens, se sont retrouvés dimanche matin pour retirer leurs chaussures (sauf les chiens) et faire une petite boucle le long de la côte. Ce choix de notre part nous a obligé à prendre conscience de notre corps de manière plus complète, à découvrir notre fragilité et nos sensations, à prendre en compte notre environnement. Les difficultés du terrain nous ont obligé à avancer avec précaution, à modifier notre comportement, à rechercher la fluidité et la précision. Nos pas se sont faits plus courts, avec un genou plus fléchi, un corps petit à petit plus détendu. Nous avons traversé une zone parsemée de verre brisé, sans accident ni drame. Sans minimiser les risques. Simplement en faisant attention. L’horaire de notre balade a été conditionné par la météo, puisqu’en pleine après-midi, les chemins sableux auraient été trop chauds pour nos petits petons atrophiés par tant d’années dans des chaussures.

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A mi-chemin nous avons partagé des gâteaux sans ceci ou sans cela, mais avec plein de bonnes choses dedans. Nous avons parlé dictature portugaise, poésie américaine, sentiers de galets coréens. Nous avons constaté que les enfants gambadaient sur les pierres en toute aisance. Nous sommes revenus par un chemin de sable plus facile, puis nous avons terminé l’aventure en plongeant les pieds dans l’eau froide de l’océan, une douceur bien méritée après les efforts fournis par ces extrémités qui n’ont pas l’habitude de travailler.

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Lisbonne

Dimanche 1er mai, 16 adultes et 2 enfants (4 et 6 ans), venus de quatre pays différents, ont fait le choix de sentir et percevoir Lisbonne sous leurs pieds.

Pieds nus dans l’herbe nous avons discuté pendant 15 minutes, on a parlé de la chaussure, du pied, de l’être humain en tant que créature fragile, sensible et sensorielle, de l’importance de ces sensations et du mécanisme de « feedback » , de posture, de technique et de comportement. Puis quelques exercices très simples nous ont aidé à mieux sentir certains points-clés, comprendre certains concepts. Enfin, tous ensemble nous avons couru 1500 mètres sur un goudron très dur et légèrement rugueux, tous très attentifs à ce que la plante de nos pieds pouvait bien nous raconter.

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Puis la discussion a continué, questions-réponses, quelques bons livres à lire, développer un regard critique sur le discours des marques et des médias, nous avons mangé des pommes et bu de l’eau. Voici la traduction de cette interview sur le blog Correr Na Cidade. Merci Filipe Gil.

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Tu as organisé une rencontre au Portugal, quel était l’objectif ?

J’ai voulu communiquer sur l’importance des exercices pieds nus pour apprendre à courir correctement, pour corriger sa technique de course. Je vois que la majorité des coureurs amateurs ne savent pas courir et souffrent de beaucoup de blessures. J’ai voulu expliquer que avant de vouloir participer à des courses, il faut apprendre à courir, et que le meilleur professeur pour cet apprentissage est le pied nu. L’idée c’est d’aider les gens à courir mieux, avec moins de blessures et avec plus de plaisir. Nous avons eu un événement très sympa, avec 18 personnes. Nous avons appris à sentir le sol avec la plante de nos pieds et grâce à cette sensation, à corriger notre technique de course.

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Il y a beaucoup de gens qui courent pieds nus au Portugal ou c’est encore confidentiel ?

Nous sommes plus de 200 personnes sur la page facebook « Correr Descalço Portugal ». Je crois que beaucoup de gens trouvent l’idée intéressante et comprennent les bénéfices de la pratique, mais n’osent pas faire le premier pas, par manque d’information, et peut-être par peur des critiques également. Ça n’est pas toujours facile de faire quelque chose que la société ne comprend pas et à laquelle elle n’encourage pas.

wam Lire la suite

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le conditionnement : décryptage

L’année dernière à la même époque je courais un semi-marathon, les pieds nus et avec un stupide caleçon léopard. Bien que je sois arrivé 27 longues minutes après le champion, l’image était suffisamment percutante pour que j’aie le droit à une interview dans un blog spécialisé, suite à quoi je refusais à trois reprises de participer à des émissions de télévision ou de radio portugaises. Jouer le rôle de l’original pendant trois minutes sur un plateau du genre Laurent Ruquier et essuyer des vannes sans avoir la moindre chance de pouvoir expliquer la pertinence et la philosophie de ma pratique ne m’intéressait pas plus que ça.

Mais la semaine dernière, la télévision est revenue frapper à ma porte avec une proposition plus intéressante : 10 minutes rien que pour ma pomme (et mes pieds), avec un entretien d’une heure trente, au calme, et un tournage chez moi dans ma province.

Il s’agit de RTP Running, je suis très critique vis-à-vis de ce programme et j’explique pourquoi plus bas, mais on m’offrait là une opportunité unique de sensibiliser une large audience à l’importance du pied-nu et de promouvoir une image « cool » de la course sans chaussure. Le pied-nu souffre d’une image catastrophique et aujourd’hui malheureusement, l’image c’est primordial. J’ai échoué dans les négociations, et dû accepter de porter le t-shirt du sponsor, fabriqué en Chine dans des conditions humaines et environnementales que je préfère ignorer, mais si le résultat final peut aider ne serait-ce qu’une ou deux personnes à ne plus se faire de blessures en pratiquant la course à pied, et à comprendre que la solution aux lésions n’est pas dans le produit manufacturé mais dans le corps et la technique, je considère que j’ai eu raison d’accepter l’invitation.

L’interview m’a un peu stressé, essayer de faire passer mes idées au cours d’une conversation cadrée au millimètre par le producteur, tout ça dans une langue qui n’est pas la mienne, pas facile. Je pense avoir réussi à placer quelques notions essentielles : courir pieds nus c’est apprendre à courir correctement, écouter son corps, corriger sa foulée, courir avec conscience et précaution, développer une vision pacifiée et harmonieuse de la pratique sportive, rechercher la précision, les sensations, le bien-être, développer une compréhension plus globale (holistique ?) du corps, de l’esprit et de l’environnement (dans le sens : ce qui « m’environne »), abandonner ses peurs, reprendre confiance en soi, etc, etc. Les quelques idées faussement dangereuses pour le système ont été écartées au montage (« je cours sans consommer », « l’équipement est un piège »), on ne peut pas trop en demander non plus, je suis déjà plus que satisfait du résultat. Pour ceux que ça intéresse, le clip est visible par là, mais je préfère avertir les punks et autres âmes un peu trop sensibles, on pénètre ici dans le monde verni et aseptisé de la communication pure et dure, attention les yeux !

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Tout ceci étant dit, voici maintenant un décryptage de ce programme à la manière d’Acrimed, qui va nous aider à mieux comprendre les ficelles utilisées avec ruse et brio par le couple « média / marques ». J’analyse ici le premier épisode de cette série, visible en cliquant sur ce lien :

http://www.rtp.pt/play/p1661/e168869/rtp-running

– Premièrement, il faut savoir que cette émission est intégralement financée par Sport Zone, le concurrent portugais de Décathlon (et très partiellement par Rexona, un produit conçu pour empêcher volontairement le bon fonctionnement de notre transpiration). Concrètement cela signifie que Sport Zone investit dans de l’espace audiovisuel, pour diffuser à niveau national une image positive de la course à pied et dans le même temps placer ses produits. Chaque épisode est diffusé quatre fois dans la semaine.

– Deuxièmement, le programme est diffusé sur la chaîne RTP Information. Le mot Information apparaît donc à l’écran pendant toute la diffusion du programme : on nous fait croire qu’on nous informe, alors que le seul objectif est de nous inonder d’images hyper-léchées de produits manufacturés associés à tout un tas de valeurs positives.

– Dans la première partie du programme, l’héroïne de tous les jours développe un argumentaire vantant tous les aspects de sa pratique sportive : « thérapie, dépassement de soi, partage, amitié, une manière d’être dans la vie, plaisir, fête, rêve », et dans le même temps les images nous montrent une femme professionnelle, épanouie, ambitieuse et dynamique. Elle court avec des Nike, et des Reebok, offertes par Sport Zone.

– Mais soudainement, son discours change de ton. Elle nous alerte sur les dangers de cette pratique : « en courant on risque de se faire des blessures, et c’est pourquoi il faut acheter des chaussures adaptées à notre type de foulée ». Il y a au moins trois grandes stratégies marketing cachées dans cette unique phrase.

1/ Il s’agit de faire perdre toute confiance en soi au téléspectateur. On vient de lui faire goûter au Nirvana mais on lui explique maintenant qu’il n’est pas capable d’y arriver tout seul, qu’il risque des blessures s’il essaye par lui-même. Heureusement, le produit manufacturé est là pour répondre à ce problème : en achetant ledit produit, je pourrai moi aussi m’approcher du 7ème ciel.

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Winter is coming

Si la chaussure est une imposture, alors le chauffage est un traquenard et le froid une illusion. Marcher sur des cailloux n’avait jamais été douloureux pour personne, bien au contraire, cela avait toujours été une danse, une joie, une thérapie, une évidence. J’en veux pour preuve mon petit voisin Maurice qui court plein d’allégresse sur du gravier.

Maurice

De la même manière, prendre des douches froides n’a rien de masochiste, c’est à chaque fois une fête, une célébration, une médecine douce, un acte sensé. Les mécanismes qui sont en jeu avec la chaussure et le pied sont les mêmes que ceux qui s’opèrent avec le chauffage et l’ensemble du corps humain. Il convient donc de bien les comprendre.

– par l’usage quotidien de la chaussure, le pied n’est jamais stimulé et s’affaiblit (muscles, tendons, os, circulation sanguine, etc…). L’homme devient alors prisonnier de sa propre invention puisqu’il n’est plus capable de marcher 10 mètres sans protection. De plus, l’affaiblissement de ses pieds a de lourdes répercussions sur sa santé physique et mentale, sa manière de se mouvoir, mais aussi sur sa conception du monde : le sol serait un danger dont il faudrait à tout prix se protéger. Au final, quand un énergumène court un marathon pieds nus tout le monde trouve ça incroyable ou débile alors que c’est la chose la plus évidente du monde. Ça c’est pour la chaussure, mais on le savait déjà. Qu’en est-il du froid et du chaud ?

– par l’usage systématique du chauffage central, le corps et l’esprit ne sont plus stimulés et s’encroûtent. L’homme devient frileux, son système immunitaire défaillant, sa circulation sanguine vacillante, son humeur maussade. Le cercle vicieux s’installe, le froid représente une menace, l’homme ne tolère plus la moindre baisse de température, il a besoin de plus en plus de confort à la maison et d’équipement pour sortir de chez lui.

Pourtant, il n’en a pas toujours été ainsi.

Selon la chercheuse E. Gallo, le confort thermique est une notion toute récente, apparue en Europe après la 2nde Guerre Mondiale. « C’est fondamentalement un comportement culturel » nous explique-t-elle. Les premières tentatives de chauffage central sont faites pour des serres horticoles, puis pour des couveuses à poussins, le séchage industriel, le conditionnement des vers à soie…  La production de fruits hors saison passe bien avant le confort individuel. L’idée de chauffer de manière homogène les espaces habités par les humains arrive en dernier, et les lieux ciblés apparaissent dans l’ordre suivant : bibliothèques, musées, salles d’hôpital, bureaux, puis appartements en dernier lieux. En 1937, André Missenard, polytechnicien, fabriquant de systèmes de chauffage recommande des températures entre 16 et 18°c pour les pièces à vivre, 10°c pour les chambres à coucher, et entre 14 et 18° pour les chambres des personnes malades. Le vendeur de chaleur met en garde ses clients : « pour les adultes et surtout les enfants sains, les climats artificiels doivent être utilisés avec beaucoup de circonspection car une vie trop douce est amollissante (…) et corruptrice ». Comme à chaque fois dans l’histoire du progrès, ce sont d’abord les riches et les puissants qui en veulent plus : dès le XIXème siècle les barbus de l’Assemblée Nationale exigent des t° entre 19 et 21°c. En 1934,  les immeubles de luxe sont réglés à 20°c, pour être au-dessus du « grand confort » (dixit le bureau d’étude Veritas) que représente la barre des 18°c. Il faut dire que le père Descartes dans son fameux Discours de la Méthode nous vendait le foyer chaleureux comme un lieu d’épanouissement intellectuel.

Ces températures aujourd’hui nous paraissent inacceptables. C’est bien la preuve que nos corps ne fonctionnent plus. Nous sommes devenus de bonnes grosses chochottes. En moins d’un siècle. Ce même siècle qui a ravagé la planète. En effet, si ce dysfonctionnement de nos corps a un impact direct sur notre santé, il a également un lourd impact sur l’environnement. Par exemple, le chauffage des logements et bureaux français est responsable de 15% des émissions françaises de gaz à effet de serre (notamment : méthane et CO2). Le chauffage électrique (45% des nouveaux logements) est en grande partie issu du nucléaire. Le pied faible pollueur à travers la chaussure. Le corps frileux à travers le chauffage.

On n’attrape pas froid par les pieds, que ce soit bien clair. On attrape froid par des pieds affaiblis par la chaussure. L’hiver passé, les copains de la Barefoot Runners Society ont organisé un petit concours : Lee a cumulé 485 km pieds nus à des t° négatives. Bob a couru plus d’un km à -33°c sans chaussure. Yvonne a couru 25 km en une seule fois à -11°c. Parce que c’est marrant.

yvonne

On est pas obligé de s’amuser autant que ces joyeux lurons, mais jetons un coup d’œil à l’Histoire. Lire la suite

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120 / 75

En 2009 en arrivant au Portugal ma tension artérielle était tellement haute que le médecin a souhaité que je prenne des cachetons pour contrôler tout ça. La conversation n’a pas duré 10 minutes, il ne m’a pas demandé ce que je mangeais, ni comment je vivais, comment je me chaussais, comment je respirais, etc… Non, il m’a juste « ordonné » de prendre des médicaments chimiques, que je n’ai pas pris.

Le dermatologue en 2010 m’a fait le même coup : « effectivement, vous avez de l’acné, reprenez donc une petite dose de roaccutane, merci au revoir, personne suivante svp ». D’où vient mon acné ? Je n’en sais toujours rien, mais qui est-ce que ça intéresse ?

En 2013 j’ai commencé à retirer mes chaussures, à respirer par le nez (même en sprint, au moins pour l’inspire), à m’asseoir accroupi, en tailleur, en seiza, j’ai arrêté le coca, les haribo, le sel raffiné, la bouffe industrielle, les gros oreillers et les matelas moelleux, les douches chaudes (à part en plein hiver). Petit à petit j’ai arrêté de me faire des blessures en course à pied, j’ai progressé, sur la vitesse, sur la distance, mais surtout sur la fluidité, chose plus difficilement mesurable…

Hier, ma tension a été mesurée à 120 / 75. Pour la première fois de toute ma vie le docteur n’a pas dit « c’est un peu haut » ni « c’est beaucoup trop haut », il a juste dit « pile poil comme il faut » (et en français, quelle classe !).

Il se trouve que des études suggèrent que la marche pieds nus sur des cailloux aide à réguler la tension artérielle de manière bien plus efficace que la marche chaussée sur du goudron. (Je n’aime pas les études, on peut leur faire dire ce qu’on veut, mais quand elles vont dans le sens de mon propos je ne me gêne pas pour les citer et nourrir mon argumentaire avec. Ne jamais croire un type qui vous sort des études scientifiques pour vous convaincre de quoi que ce soit ^^).

Ce docteur de 2009 ne m’a rien expliqué, ni du corps ni de l’esprit. Il m’a fait croire que mon hypertension était le problème et m’a proposé une réponse chimique et ciblée pour le résoudre. Je l’ai presque cru, la figure du médecin derrière son beau bureau, son stylo Mont-Blanc, son diplôme reconnu par le système, c’est ainsi… Mais le fait est que les choses sont autrement différentes. Mon hypertension n’était absolument pas le problème mais bel et bien le signal visible et quantifiable d’une utilisation déboussolée de mon corps, déboussolant logiquement mon esprit. L’être humain, un système ultra-complexe et profondément déséquilibré (par la chaussure, le sucre, la chaise, etc…) que l’on prétend réparer par l’injection d’une ou deux molécules de synthèse.

Prendre des pilules pour régler le problème c’est comme mettre des chaussures pour éviter de se faire mal aux genoux et au dos : c’est étouffer les signaux que nous envoie le corps, et se permettre de continuer à faire n’importe quoi.

Au mois de février j’ai hébergé ce Coréen qui voyageait à vélo. Le type avait bossé 10 ans pour une boite suisse de médicaments (celle qui fabrique le roaccutane ? je ne sais plus). Il était payé pour faire du lobbying auprès des médecins et des pharmaciens afin que ceux-ci refourguent la came à leurs clients pigeons toxicos patients. Il garde de cette expérience une amertume certaine.

Il ne s’agit pas de santé, ni de bien-être, le système ne fonctionne qu’à travers le business, la chaussure comme le cacheton.Les vraies réponses ne coûtent rien, c’est bien pour ça que personne n’a intérêt à nous les proposer.

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