24 heures à Séville dans une ville en effervescence, la veille d’une semaine d’interminables processions célébrant la passion du christ dans un délire ostentatoire et festif rivalisant avec les plus grands carnavals brésiliens.
A Séville j’ai marché les pieds nus, j’ai épousé les pavés et les galets des rues de l’ancienne médina. En moins de deux heures de temps j’ai eu le droit à deux contrôles d’identité, les agents m’expliquant que mes pieds sales étaient susceptibles d’offusquer les nombreux spectateurs venus de toute l’Espagne en costard/cravate et robe de gala, dans l’objectif de tomber des litres de bière en regardant passer les processions.
A Séville j’ai remis mes sandales puis j’ai fait 15 minutes de queue pour entrer dans une petite chapelle et déposer un pieu baiser sur les pieds nus d’un Jésus le visage ensanglanté par sa couronne d’épines.
A Séville les « Nazarenos » à la cagoule effrayante ont déambulé sans chaussure durant une journée complète à travers la ville, en symbole de souffrance et de pénitence (ah ! si seulement ils savaient comme ça peut être bon, pour peu que le pied soit préparé à ça !).
C’est l’hypocrisie d’une société dans toute son évidence. Mais c’est également l’occasion rêvée de questionner la bible et l’Église catholique sur le pied nu.
…
Dans la bible
On trouve une référence évidente au pied nu dans l’Exode, ce texte de l’ancien testament qui relate les aventures de Moïse guidant son peuple vers la liberté. Dans l’épisode du buisson ardent, Dieu dit clairement à Moïse : « ôte tes souliers de tes pieds, car le lieu sur lequel tu te tiens est une terre sainte« . On retrouve cette même idée chez les Indiens d’Amérique, mais contrairement à eux, Dieu considère que le sol n’est sacré qu’en certains endroits bien définis.
Dans le nouveau testament, le fils de Dieu semble déjà moins regardant sur la question. Plusieurs passages nous font comprendre qu’il fait sa vie principalement en sandales. Lorsqu’il ordonne à ses 12 apôtres de partir annoncer la parole de Dieu, il les invite à faire preuve de la plus grande simplicité : un seul vêtement, pas de bâton, pas d’argent, pas de pain, pas de sac, pas de soulier, mais, des sandales ! (Marc 6.9 ). L’idée du pied nu en l’an 0 est donc déjà morte et enterrée, puisque même le fils de Dieu a besoin de protéger la plante de ses saints petons.
…
Saint François
Les choses auraient pu en rester là, mais certaines figures du catholicisme réfléchissent à la question. Au XI et XIIème siècle, on voit apparaitre en France et en Italie une profonde critique de la hiérarchie catholique, dont le train de vie et la philosophie s’éloignent de plus en plus des enseignements du christ. Les Cathares (qui, par ailleurs, étaient végétariens) sont l’un des exemples les plus représentatifs de cette critique grandissante. Trop dérangeants, ils seront massacrés par les pouvoirs religieux et politiques en place.
De plus en plus de prêcheurs charismatiques aux pieds nus invitent à reprendre le chemin d’un christianisme plus authentique. C’est dans ce contexte qu’apparaît Saint François, proposant une vie d’ascèse, d’humilité, de simplicité, tournée vers les pauvres et les nécessiteux. Ses disciples, les Franciscains, sont invités à vivre pieds nus même en hiver, « en signe de pauvreté et de mortification de la sensualité« . La symbolique du pied nu est ici aux antipodes de celles chantées par la poésie américaine ou africaine. Toutefois, « que ceux qui sont contraints par la nécessité, puissent porter des chaussures« . Un rapide coup d’œil sur google image et on comprend que les Franciscains modernes ont tous choisi la seconde option, héhé.
…
Les Papes
Étrangement, les Papes se sentent peu concernés par les commandements de Jésus et préfèrent les beaux souliers civilisés à l’humble sandale souhaitée par le christ. Benoit XVI est le plus coquet d’entre tous avec ses mules papales en cuir d’un rouge étincelant. Dans un sincère souci d’humilité, François revient à de simples chaussures noires. Encore un petit effort Pope Francis, tu y es presque !