Tout un programme.
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La plage
Sur le Semi-Marathon des Sables nous étions au moins 5 sans chaussure. Le sable demande moins de technique que le bitume, il est plus permissif, et le blocage psychologique est moins fort. Sur 350 concurrents, nous étions les seuls à apprécier l’humidité du sable et la froidure de l’eau. Pourquoi Diable les autres sont-ils venus ? De ces va-nu-pieds, je garde le souvenir d’au moins deux belles rencontres : Analice, la Brésilienne de 71 ans, qui au mois de mai courait pour la énième fois les 101 km de Ronda. Mais également João, qui il y a de ça dix ans pesait 105 kg et qui pour la première fois cette année a parcouru une épreuve de 100 bornes. Il s’est classé 13ème sur le semi-marathon. Je suis vraiment sensible à de tels parcours, ça me touche profondément. C’est peut-être pour ça qu’il faut continuer à faire des courses.
Sur cette photo, je suis content de voir que ma technique s’affine. Le professeur m’inviterait certainement à plier les genoux encore plus, et à être encore plus vertical au niveau de l’axe tête / épaules / hanches. Mais je progresse et c’est surtout ça qui compte, Rome ne s’est pas faite en un jour. Et puis le sable n’oblige à aucune exigence, on oublie facilement d’être précis. Classement : 28ème/315 (j’étais 80ème à mi-parcours, pour pas rester en plein cagnard trop longtemps, j’ai mis le turbo sur la deuxième moitié)
Bref, une course déchaussée (c-à-d sans montre, sans boisson énergétique, etc, etc, etc…), c’est à chaque fois l’occasion de pousser ma réflexion un peu plus loin. Les deux thèmes choisis cette fois-ci seront : le café et le soleil.
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Le café
Pour la première fois depuis que je participe à des compètes (donc depuis 2010), je n’ai pas pris de café avant la course. Ça a l’air con dit comme ça mais c’est un grand pas de fait. Le café est pour moi une vraie addiction (parmi tant d’autres : internet, salaire, …), la première chose à laquelle je pense dès que je me lève. Je n’en bois plus que 2 par jour parce que je me contrôle, mais si je m’écoutais je pourrais tourner à 6 ou 7. Je n’en ai pas besoin pour courir, c’est évident. Mais avant la course il y a toujours ce moment où tu attends le départ et il n’y a rien d’autre à faire qu’attendre, commencer à douter de soi ou alors essayer de penser à autre chose, comme au café par exemple. C’est la définition même d’une addiction. Cette fois-ci, la tête dans le coaltar, sans ambition chronométrique, sur une distance que je connais par cœur, je n’y ai même pas pensé. C’est une bonne chose, il n’y aura plus de café au départ de mes prochaines courses. Sans l’effet psychotrope du jus, je vis ma course pleinement, pour de vrai, sans artifice. L’altération des sens que je recherche tant ne vient plus que de moi même et de rien d’autre.
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Le soleil
Ce blog vient souvent questionner notre rapport au sol, à la terre. « Flippez votre race, le sol est dangereux » nous dit-on trop souvent. Profitons de ce marathon sur la plage pour questionner cette fois-ci notre rapport à l’astre solaire. Cancer de la peau, cataracte et yeux brûlés, le discours ambiant nous met grave la pression et nous apprend à flipper du soleil. Mettez de la crème ! Mettez des lunettes ! Achetez ! Consommez ! Flippez ! Craignez cette étoile que je ne saurais voir, cette divinité païenne qui n’a rien de bon à nous offrir, qui ne peut être que mauvaise pour nos chères têtes blondes. C’est exactement la même histoire que la chaussure : on est rentré dans un système pernicieux qui voit dans la nature une menace, qui refuse de comprendre le corps humain mais qui veut trouver toutes les solutions à ses problèmes dans le produit, encore le produit, toujours le produit.
Pour obéir à des codes sociaux à la con, on passe l’année entière dans des fringues qui protègent le corps de la moindre exposition solaire. Se balader torse-nu dans les rues de Paris ou à la fenêtre du bureau doit faire à peu près le même effet que de rentrer sans chaussure chez le banquier. Malheureusement, la protection, comme on commence à le comprendre sur ce blog, affaiblit l’organisme, c’est la règle de base. Sans exposition solaire, pas de production de vitamine D, nécessaire à plein de bonnes choses, DONT, incroyable, la prévention du cancer de la peau !
Mais arrivent les grandes vacances, de nouveaux codes sociaux à la con viennent te mettre la pression, il faut obligatoirement passer sa journée sur la plage à rien foutre, pour être bronzé comme un œuf à la rentrée. Et là, c’est le drame : la peau blanche d’un zombie exposée aux rayons du soleil estival accentué par le reflet de l’océan, la cata complète. Heureusement, on vit une époque formidable, et on peut acheter les crèmes solaires. Certes, mais 90% de ces protecteurs contiennent de l’ « octyl methoxycinnamate » ou du « titanium doxide », tous deux considérés comme nocifs pour l’organisme. En plus de ça, 4 produits sur 5 offrent une mauvaise protection aux UV. On tient le bon bout.
Restent les lunettes de soleil. Certaines recherches suggèrent que porter des lunettes FAVORISE le développement du cancer de la peau. En effet, l’œil serait apte à la lire l’intensité du soleil, et envoyer des signaux à l’organisme afin qu’il adapte sa réaction face à un tel facteur externe, donc en accélérant le processus de bronzage. En le protégeant, on fait croire à l’organisme qu’il évolue dans l’obscurité. Le corps ne développe alors pas la réponse adaptée à l’environnement dans lequel il évolue.
Comme pour la chaussure, crème solaire et lunettes font croire au consommateur qu’il peut se permettre tout et n’importe quoi (courir un marathon ou passer la journée sur la plage revient à peu près au même) du moment qu’il investit dans le produit. D’où des comportements idiots, qui au final font le bonheur des marchands du système de santé. La même histoire que la chaussure. Tout pareil.
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Le soutif
Rien à voir avec mon semi-marathon, mais Ito vient de publier un passionnant article sur la question sur son blog à elle. Voilà longtemps déjà que je voulais réfléchir à la question, mais un tel sujet ne m’appartient pas. Contrairement à la chaussure ou la crème solaire, je ne suis pas en mesure de mettre en pratique le fruit de mes réflexions sur la question. Ito a fait un travail fantastique, ça vaut vraiment le coup de prendre le temps de le lire, tout comme le reste de son blog, vraiment.
« Ôtez aux gens leur autonomie et vous obtenez des consommateurs »
Ce qu’il y a de fascinant dans son article, c’est qu’à partir d’un tout autre accessoire de notre merveilleuse société, elle arrive exactement aux mêmes conclusions que les miennes quant à la chaussure : soutien inutile d’un organe parfait, pression sociale, méfaits à long terme, système de santé qui s’organise autours de ces méfaits, etc, etc, etc.
On vit comme des ânes, moi le premier, mais tout va pour le mieux, nous sommes l’occident riche moderne et civilisé, ne changeons rien. On ne voudrait surtout pas redevenir des sauvages.
« On n’est pas des sauvages ! » C’est exactement de ça qu’il s’agit au fond, mettre systématiquement une distance entre soi, individu civilisé, et la nature brutale, imprévisible, impartiale, incompréhensible.
Par défaut, étant incapable d’être à la hauteur de ses desseins, dépassé par son échelle, étranger à son économie baroque, l’homme choisit de soumettre la nature en en sortant. Du moins le croit-il.
Comment se distinguer de cette sauvagerie ? Mettre des chaussures pour s’isoler de tout ce décor hostile, porter un tee-shirt d’une couleur bien artificielle pour ne pas être confondu avec un chien ou un talus, affirmer sa supériorité paré d’un lot d’accessoires plein d’innovation dedans; pour ne pas souffrir du rappel – injure insoutenable bordel on a quand même inventé le couteau suisse et la râpe à fromage – de notre véritable filiation, celle d’un mammifère dépendant pour sa survie de ce qui veut bien pousser sur cette foutue terre.
– Merci encore pour tes mots sur mon article, ça fait plaisir 😉 –
‘On n’est pas des sauvages’ mais nous sommes tous tentés par le mythe du bon sauvage.
c’est là où j’aime bien KB Saxton (encore une fois). plutôt que de parler du bon sauvage ou du mode de vie paléo, il aime plutôt s’inspirer de son chien et de son chat, les observer pour tirer d’intéressantes conclusions : la souplesse, les étirements, le pas silencieux, …
C’est exactement ça. S’inspirer des autres êtres vivants, des enfants qui courent sans aucune réflexion sur la course et aussi de ce qui se fait dans d’autres cultures, notamment orientales loin des modes de pensées aristotélicienne, judéo-chrétienne et cartésienne.
Le chat est un très bonne exemple d’élégance lorsqu’un être maîtrise chacun de ses muscles parfaitement.
Un exemple comme ça en passant. Dans le karaté on t’apprend qu’en serrant l’anus tu permets le lien entre le bas et le haut du corps en transmettant l’énergie du bas vers le haut. Ça permet d’être plus stable et de transmettre la puissance qui vient du ventre.
Appliqué à la course à pieds serrer l’anus redresse le dos, bascule le bassin vers l’avant, tend la sangle abdominale, permet au plexus solaire de mieux travailler ce qui a une importance pour la respiration et surtout, la course devient plus puissante. Sprinter en serrant l’anus donne une vraie impression de vol. Attention, je ne parle pas de serrer les fesses mais bien ce muscle rond qui est entre les fesses et que la culture occidentale considère comme étant impure.
c’est marrant que tu parles du karaté, j’ai fait un premier essai la semaine dernière, et j’ai vu tellement de parallèles avec la course pied-nu dans le discours du « mestre ». plier les jambes pour la stabilité, plier les jambes pour se déplacer afin de faire avancer le buste et la tête sur une ligne droite. pas silencieux. imiter les animaux. j’aurai du prendre des notes après le cours, il y avait encore plein de similitudes que j’ai oubliées à l’heure qu’il est.
je penserai à mon anus demain, je te dirai. décidément tu es plein de surprises.
Facile de courir sans soutif. Plus difficile (insurmontable ?) d’assumer le regard des autres.
oui, intéressant. encore une fois, le groupe qui te force à suivre la voie que son éducation lui a fait assimilé comme la seule possible. j’ai du mal avec le groupe en fait.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Pens%C3%A9e_de_groupe
Le groupe, mais aussi le fait que l’on vit dans une société profondément sexiste, où le corps féminin est toujours sexualisé et soumis aux regards d’évaluation. Peut-on retrouver l’article d’Ito quelque part en ligne, le lien ne fonctionne plus? Je sens que son article me plaira 🙂
effectivement, le site a fermé… Je sais que d’autres avaient écrit sur le sujet, mais je n’ai pas de références. reporterre avait fait un « une minute une question » récemment sur le même sujet.
Bonjour,
Je trouve le paragraphe sur le soleil très intéressant et notamment le passage: « Certaines recherches suggèrent que porter des lunettes FAVORISE le développement du cancer de la peau. […] »
Avez-vous des références sous la main relatives à ce phénomène?
Merci 🙂
bonjour. je n’ai plus le pc sur lequel j’écrivais mon blog et stockais les documents associés. mais cet article de l’express UK, en anglais, semble résumer l’idée principale et citer l’étude en question : https://www.express.co.uk/news/uk/8739/Sunglasses-raise-risk-of-cancer
Bonjour,
Merci pour le lien 🙂